Plus que remarqué lors de sa présentation à L'Étrange Festival en 2014 et forcément entouré de cette aura de scandale qui avait déjà accompagnée en Allemagne le roman de Charlotte Roche, Zones Humides ne serait-il pas finalement qu'une romcom vive et joyeuse... avec beaucoup de poils autour ?
Énorme succès d'édition dans son pays d'origine mais aussi déjà sujet à débats et à de vives critiques, le roman (publié en France en 2009 chez Anabet) avait forcément ces contours de l'œuvre qui cherche constamment à bousculer, à effriter les barrières de ses lecteurs afin de s'approcher au plus près d'une vision plus juste et franche de la féminité. Et de ce coté là, Charlotte Roche n'y allait pas par quatre chemins fouillant les recoins les moins hygiéniques du corps féminin et de sa sexualité. Il y était question de cunnilingus sanglant, de « goulash rectal » et d'une pizza remplaçant la biscotte dans une sordide humiliation en forme de légende urbaine. Cru pour le moins, subversif plus que révolutionnaire, Zones Humides ne demandait, malgré sa liberté de ton et sa frontalité, qu'à atterrir sur le grand écran pour mieux scruter justement ce reflet faussement trash. Ultra réaliste semblerait le thème le plus adéquate. Et d'une certaine façon, l'adaptation cinématographique signée par David Wnendt (Guerrière, Il est de retour) se montre presque plus pertinente encore dans sa manière de juxtaposer ces descriptions frontales et craspecs (on y parle de diarrhée, d'hémorroïde purulentes, de tampon échangés...) avec la fraicheur, voir la candeur, de Carla Juri.
Vue depuis dans Brimstone et Blade Runner 2049, l'actrice est une absolue révélation, dont la désinvolture, la simplicité et l'espièglerie, permet de faire passer toutes les horreurs comme une lettre à la poste. Il faut la voir se frotter lascivement les parties intimes contre une cuvette de toilette plus sordide encore que celle de Trainspotting, avec un sourire lumineux pour le croire ! Il n'y pas que les choix d'adaptation et la caméra souvent plus pudique du réalisateur (on dévoile tout mais on ne montre rien) qui adoucissent légèrement les excès les plus gerbant du roman, il y a surtout cette mise en valeur visuelle du corps d'Helen, jamais maquillée, couvert d'imperfections on ne peut plus naturelles, et de son érotisme tout personnel (un certain fétichisme pour les sécrétions et les noyaux d'avocat) qui fait finalement de Zones Humides un film aussi neuf que réjouissant, libre, et pour le moins prudes, véritablement érotique. Une rencontre inoubliable avec une jeune femme pleine de vie, d'envie, de besoins d'expérimentations et de reconnaissance qui va finalement jeter son dévolu sur un gentil et bel infirmier, dans un hôpital bien trop aseptisé et normalisé pour eux. Cadre idéal pour rencontrer le prince charmant mais aussi pour soigner une horrible fissure anale, dont l'origine (des hémorroïdes chroniques) et les syndromes ne font que révéler une blessure plus profonde, psychologique. Moins emballante, presque plus convenue, la seconde partie du film venant révéler plus avant les dysfonctionnements éducatifs des parents de la demoiselle et le poids implacable d'un trauma attendu, fendille d'ailleurs le portrait flashy-punk de l'héroïne pouvant faire passer sa rébellion comme une simple pathologie du refoulé. On préfère garder en tête le manifeste contre le glamour photoshopé et la dictature du corps normé, les élans irrévérencieux d'un féminisme nouvelle génération.




