Grand classique de l'exploitation VHS et des fonds de catalogues honteux des videoclubs de quartier, l'ex L'Enfer des morts-vivants, plus connu sous la promesse de Virus Cannibale est aujourd'hui établi comme un véritable film culte, un summum du nanar réjouissant, symbole d'un cinéma bis italien qui ne connaissait plus de limites.
Si aujourd'hui Bruno Mattei a une petite armée de fans, de cinéphiles défenseurs ce n'est pas forcément que pour de très bonnes raisons. Artisan parmi d'autre apparu à l'âge d'or du cinéma populaire italien et ayant traversé toutes ses vivacités jusqu'à livrer quelques films morts-vivants (double sens) jusque dans les années 2000, Mattei n'a semble-t-il jamais eu la prétention comme nombre de ses collègues de laisser son emprunte dans le cinéma de genre. Artisan par excellence, technicien chevronné s'effaçant volontiers derrière une armée de pseudonyme, Mattei s'est pourtant extrait de l'oubli par sa capacité à livrer des films totalement autres, hors-normes et absolument foireux. Sans doute parce qu'il pousse la logique Ran Xerox de ses collègues aux limites de l'entendement, sans honte ni retenue. Et Virus Cannibale en impose certainement avec sa multitude d'emprunts au Zombie de George A. Romero et à L'Enfer des zombies de Lucio Fulci (pour qui il achèvera anonymement le terrible Zombi 3), piochant l'intégralité de sa bande-sonores dans les derniers succès du groupe Goblin (Contamination, Blue Holocauste...) dont bien entendu le mémorable thème apocalyptique de Zombie, usé ici juqu'à la lie. Hommage ou pompage éhonté ? On ne saurait dire. Mais quand en plus dans ce marasme le bougre transforme sa traversée survivaliste en excroissance malade des bon vieux mondo et des films de cannibale façon Ruggero Deodato, il y a de quoi resté admiratif...
Enfin médusé surtout, lorsque pour transformer les campagnes italiennes et espagnoles en paysages de la Nouvelle Guinée promise, le cinéaste caviarde son montage de stock-shot animaliers (toucan, gerboise, singes... le tout au ralentis pour le bucolisme) et de séquences anthropologiques joyeusement piquées à La Vallée de Barbet Schroeder et L'Ile cannibale d'Akira Ide. Mattei ose tout et bricole un film aux airs de collage absurde, surréaliste et quasiment poétique. C'est la force d'un film comme Virus Cannibale, de constamment embarquer le malheureux spectateur vers des rives inattendues, improbables, provoquant cette hilarité dont on ne saura jamais si elle est complice ou involontaire. Comment résister quand lorsque pour traverser le territoire papoue notre héroine journaliste se fout à poil et se peinturlure le corps avant de trotter joyeusement sur le chemin ? Comment résister quand un mercenaire, en pleine exploration d'une demeure encerclée de zombie, se vêt d'un chapeau claque, d'une canne et d'un tutu vert et se met à chantonner Singing in the Rain ? Magique tout simplement.
D'autant plus étrange qu'à coté de cette naïveté de fête foraine, l'hystérie contagieuse des acteurs, les maquillages à moitié finis des morts-vivants, le métrage se voudrait presque d'un sérieux résistant, multipliant les prouesses méchamment gores (visage arraché de l'intérieur, tripailles à l'air, chairs dévorées plein cadre, cadavres purulant..) et les grandes vérités écologiques énoncées le regard à l'horizon, le ton pénétrant. Ouais ça dénonce à mort dans Virus Cannibale ! Et le doublage français de renchérir : « Bande de salauds ! On n'a pas le droit de tuer les autres... Et c'est pour ça que j'vous tuerai ! ». Décollage dans la stratosphère assuré.




