« Petit » divertissement signé par l'un des monstres du nouvel Hollywood, Peggy Sue s'est mariée fait partie de ces œuvres de commandes acceptées pour renflouer les caisses et recréer un contact avec un public frileux. Ce n'est pas une raison pour Coppola de signer une œuvre impersonnelle. Et pour nous de bouder notre plaisir.
Devenu l'autorité suprême du nouveau modèle américain avec Le Parrain et Apocalypse Now, Francis Ford Coppola, connait pourtant rapidement le retour de bâton avec l'échec retentissant de Coup de cœur et la faillite de sa propre société de production indépendante Zootrope. Les années 80 s'annoncent ainsi plus modestes, surtout que rapidement, l'ambitieux Cotton Club concrétise malheureusement la chute. Au départ envisagé pour Penny Marshall (Big, Une équipe hors du commun, Hocus Pocus) finalement écartée car débutante, Peggy Sue s'est mariée arrive finalement entre les mains d'un Francis Ford Coppola en quête de rédemption commerciale. Le ton de la douce comédie et l'idéalisation nostalgique n'est pas forcément ce qui le caractérise le plus, mais pourtant avec quelques réécritures, ce démarquage évident de Retour vers le futur pour adulte, finit bien évidemment par répondre aux thèmes qui vont traverser tout le cinéma du cinéaste au cours de cette décennie et celles à venir : le temps qui passe, le regard nostalgique, la surimpression des époques, la jeunesse perdue... Ces 60's dans lesquelles va s'évader la quadra Peggy Sue par un simple évanouissement, sont aussi celles de la jeunesse du réalisateur, ou du moins une vision plus idéalisée plus proche du American Graffiti du copain George Lucas que celles de ses précédents Outsiders et Rusty James.
Pas de vilains gangs de jeunes délinquants ici, mais une illustration aussi colorée et sucrée que les bonnes vieilles comédies hollywoodiennes, les sitcoms et les illustrations publicitaires, qui tranche forcément avec le portrait du couple éteint formé par Peggy Sue et Charlie Bordell, ex-roi et reine du bal de promo (tout est dit), dans un monde contemporain déjà très habité par le "c'était mieux avant". Il manque sans doute dans Peggy Sue s'est mariée une vision plus acérée, plus politique ou du moins plus lucide, venant critiquer justement l'image d'Epinal vouée à s'effondrer durant les 70's, pour que le métrage s'extraie vraiment de ses contours de divertissement léger, de fable contemporaine charmante. Mineur sans doute, mais ce voyage floconneux dans les regrets de l'héroïne reste assez irrésistible grâce à ce couple improbable formé par la rêveuse Kathleen Turner (très loin de Les Jours et les nuits de China Blue) et Nicolas Cage (fabuleux en crooner du pauvre) qui comme dans les comédie du remariage sont inévitablement voués à retomber dans les bras l'un de l'autre, à réaliser la force de leur amour premier. Accompagné d'une sacrée bande de jeunes débutants allant de Joan Allen à Sofia Coppola en passant par un Jim Carrey déjà phénoménal, les deux acteurs jouent admirablement sur la corde sensible entre phantasmes d'une jeunesse des possibles (aaah ce beau poète rebelle et ténébreux...), désirs de la maturité et ces évidences qui font parfois le sel de la vie. Un vrai regard adulte sur un genre d'habitude plus enchanté que cela, plus prompte à bousculer le destin, que Coppola encadre brillamment entre deux plans séquences, fixes mais renversants, installant un double effet miroir où se télescopent deux décennies lointaines, deux reflets faussés, deux Peggy Sue, dont la finalité est et restera d'être l'épouse modeste mais heureuse d'un vendeur de matériel hifi. Le rêve américain réduit au plus simple.



