Pas vraiment du même tonneau que le diptyque sauvage Replicant / In Hell, Risque Maximum demeure pourtant une solide série B. Émasculée par des producteurs frileux, la première collaboration entre JCVD et Ringo Lam fait oublier l'indigence de son script en multipliant les scènes d'action hargneuses et spectaculaires mais on retiendra surtout le métissage de ses influences et une approche inédite du thème de la gémellité.
Épuisé physiquement et psychologiquement par le tournage éreintant du Grand Tournoi, son premier film en tant que réalisateur, Jean-Claude Van Damme enchaîne pourtant sans attendre avec Risque Maximum. Écrit par Larry Ferguson (Presidio et A la poursuite d'Octobre Rouge), le scénario attire l'attention du producteur Moshe Diamant et de Van Damme, ce dernier cherchant par tous les moyens à travailler avec Ringo Lam, dont il admire le City on Fire. L'enthousiasme de Van Damme finit par venir à bout des réticences de Lam qui espère avoir les coudées franches pour jouer avec l'image de l'acteur et travailler sa crédibilité dramatique. Tourné entre la Côte d'Azur, New York et le Canada, Risque Maximum met les nerfs de Charles Picerni, coordinateur des cascades, et de l'équipe Rémy Julienne à rude épreuve, le cinéaste exigeant des prises de risques parfois insensées. Une pression similaire repose sur les épaules de JCVD et de Natasha Henstridge, Lam refusant de se contenter de leurs prestations habituelles et les poussant toujours plus loin. Au final, un premier montage de près de deux heures obtient les faveurs du réalisateur et de sa vedette. Mais la noirceur du propos où le héros finit par s'abîmer dans les mœurs criminelles et violentes de son frère jumeau décédé et l'importance d'un personnage féminin moins décoratif qu'à l'accoutumée refroidissent la Columbia qui impose des coupes. Plus d'action, moins de psychologie. En première lecture, avec son rythme soutenu qui enchaîne les courses poursuites, les fusillades et les empoignades musclées, Risque Maximum ne se distingue donc que très superficiellement du tout venant « Vandammesque ». La mise en image sèche et violente de Ringo Lam fait le taf mais l'intrigue tourne à vide, plombée par des enjeux vagues et riquiqui et des méchants à la caractérisation plus que faiblarde.
Entre les lignes, Risque Maximum laisse heureusement entrevoir un tout autre film, quelque peu frustrant mais très attachant. Ainsi, le scénario est plus ou moins une relecture de Double Impact mais avec un twist majeur : le jumeau bad boy mord la poussière dès l'ouverture et le « gentil » doit survivre en intégrant à sa personnalité les travers et les vices de sa moitié disparue, notamment en tombant amoureux d'une jeune femme qui ne voit aucune différence entre les deux hommes. La première rencontre entre Alex (Natasha Henstridge) et Alain (Van Damme) reprend presque à la lettre la rencontre entre Danielle (Alonna Shaw) et Chad (re-Van Damme) dans Double Impact. Le bar, le baiser et le quiproquo. Mais si le film de Sheldon Lettich jouait la carte de l'humour sexy, Ringo Lam fait durer la confusion et le malaise est palpable. D'un film à l'autre, le talent d'acteur de JCVD a fait un sacré bond en avant et son image de héros s'enrichit enfin d'un soupçon d'ambiguité.
On appréciera également la tentative d'offrir au spectateur davantage qu'un film d'action américain classique malgré le recours un peu facile aux clichés de la mafia russe (le grimaçant Zach Grenier roule les r sans conviction) et des agents du FBI corrompus (Paul Ben-Victor, jamais crédible). En empruntant aux polars français de la fin des années 70 et du début des années 80, et en particulier aux plus grands succès de Belmondo, Risque Maximum ajoute un peu de piquant à sa recette. Les rues de Nice et de Menton parcourues par les bolides malmenées de Remy Julienne, l'amitié entre le personnage de JCVD et un Jean-Hughes Anglade qui se la joue Charles Denner et un caméo de Stéphane Audran ramènent à la surface toute une époque du cinéma populaire hexagonal dont Van Damme ne s'est jamais caché d'être un inconditionnel. Ajoutez au cocktail un homme de main terrifiant incarné avec toute la raideur nécessaire par le grec Stefanos Miltsasakis (déjà aux génériques de Cyborg, de Full Contact et du Grand Tournoi) et toute la virtuosité et le sentiment d'urgence déployé par la mise en scène d'un cador du cinéma HK et vous obtenez un film suffisamment prometteur pour justifier les cinq ans d'attente qui le sépare de l'excellent Replicant, nouvelle plongée, cette fois-ci jusqu'au boutiste, dans les affres du dédoublement perpétuel du Docteur Jean-Claude et de Mister Van Damme.




