Perfect Blue, Millenium Actress, Tokyo Godfather, Paprika et la série Paranoïa Agent, la carrière de réalisateur de Satoshi Kon s'est arrêtée assez brutalement en aout 2010 des suites d'un cancer foudroyant. Film hommage, tentative de révéler la force visuelle autant que thématique d'un cinéma d'animation visionnaire, Satoshi Kon L'illusionniste, est une introduction à une œuvre aussi courte que foisonnante.
Si le nom de Satoshi Kon possède une aura indéniable dans les milieux cinéphiles, il reste encore et toujours assez méconnu du coté du grand public. Il faut ainsi se rappeler qu'en dehors de Paprika qui eu un certain retentissement, ses autres réalisations durent en général se contenter d'un succès d'estime. Des critiques souvent dithyrambique certes, mais pas forcément en adéquation avec les résultats au box office... Pourtant l'influence de son cinéma est aujourd'hui indéniable, que ce soit dans la liberté ouverte à un cinéma d'animation plus adulte, pouvant prendre ses distances avec l'école Ghibli ou le divertissement sous licence, ou dans la reproduction renouvelée de visions inoubliables. Il n'est pas étonnant que Pascal-Alex Vincent (Donne-moi la main) offre rapidement la parole au cinéaste américain Darren Aronofsky dont on retrouve des hommages directs dans Requiem for A Dream et plus largement encore dans Black Swann (pourtant pas évoqué ici). Le génial Mamoru Hosoda (Les Enfants Loups, Belle), ou le très doué Jérémy Clapin (J'ai perdu mon corps) viennent eux aussi souligner leur héritage, tandis que certains de ses anciens collaborateurs (le producteur de Madhouse, des animateurs, des doubleurs...) s'efforcent de dresser le portrait d'un artiste extrêmement exigeant, souvent complexe et particulièrement assuré de ses capacités. Mais, chapitré autour de ces cinq grandes réalisations, Satoshi Kon L'illusionniste ne se borne pas à énumérer les qualités de l'homme et de son œuvre, mais creuse aussi admirablement la nature même de ses créations. En particulier sa manière redoutable de marier le cadre réaliste avec les visions oniriques de ses personnages et d'intégrer le spectateur dans une dramatisation, tour à tour grave, enlevée, inquiétante ou excitante, presque comme un spectacle participatif.
De ses obsessions d'auteur à la finesse admirable de ses aspects graphiques et techniques, le cinéma de Satoshi Kon retrouve ici la place qu'il mérite. L'homme lui, semble pourtant encore très en retrait. Comme si cette dualité, pourtant très présente à l'écran, entre l'identité visible et la personnalité profonde de la personne, échappait à la caméra. La mise en scène plutôt intéressante de Pascal-Alex Vincent, qui esquive heureusement les témoignages plan-plan en s'efforçant de multiplier les contextes de rencontres, les valeurs de cadres et les atmosphères, reste étrangement assez frileuse sur certains points. Présenté avec un visage de plénitude sur l'affiche, Satoshi Kon n'était pas forcément un collaborateur facile, ni même un homme aisé dans ses relations à l'autre. Un aspect de sa personnalité à peine esquissé au détour d'une émotion de la part d'un de ses anciens animateurs ou de son premier producteur, ou plus frontalement par l'illustre Mamoru Oshii (dont il a illustré le manga Seraphim), mais ou manque par exemple les interventions de Katsuhiro Otomo, modèle avoué de Satoshi Kon avec qui les choses tournèrent court après quelques collaborations. Ces dernières sont d'ailleurs totalement absentes ici, ce qui est particulièrement dommageable concernant, Roujin Z ou le fabuleux sketch Magnetic Rose scénarisé pour l'anthologie Memories. Plus légèrement, pas une ligne sur ses débuts dans le monde de l'animation pourtant exercé sur des titres comme Patlabor 2 ou Jojo's Bizarre Adventures, et un passage express sur ses pourtant fameux mangas (Kaikisen essentiellement) sans réel effort pour créer des liens, pourtant vibrant, avec ses long métrages.
Non exhaustif, Satoshi Kon L'illusionniste souffre sans doute de sa durée finalement assez restreinte et n'arrive jamais vraiment à percer la coquille du personnage. Par contre là où le film réussit parfaitement son entreprise c'est dans sa présentation élégante et accessible d'un univers filmique unique et inoubliable.





