Un réalisateur américain peut-il entrer dans la postérité s'il n'a pas fait son film de guerre ? Coppola a son Apocalypse Now, Oliver Stone son Platoon, Kubrick son Full Metal Jacket, De Palma son Outrages, Camerone son Aliens, Spielberg son Soldat Ryan, Stallone ses Rambo et désormais Ben Stiller a son Tonnerre sous les Tropiques.
Acteur omniprésent sur les écrans américains depuis bientôt une décennie, Ben Stiller est beaucoup plus rare à la réalisation. Si l'on oublie quelques productions télé qui n'ont jamais traversé les frontières, il faut se contenter de Generation 90, Disjoncté (chef-d'oeuvre ! ndlr) , Zoolander (la meilleure comédie américaine des années 2000) et désormais Tropic Thunder. Peu de films, mais une démarche qui reste toujours intacte avec un univers décalé, cruel mais particulièrement lucide qui travaille à bras le corps les questions de l'ego, l'apparence et les médias. Son dernier bébé en date ne déroge pas à la règle et s'attaque, après le monde de la mode ou divers sports inutiles (comme Dodgeball ou Les Rois du patin, productions estampillé « Stiller touch ») au joyeux star system hollywoodien. A commencer par nos sympathiques acteurs aussi habitués aux cartons dans les salles qu'aux couvertures de journaux à scandales. A l'affiche de ce film dans le film (dans le film), on trouve Tuggs Speedman (Ben Stiller), star de l'actionner crétin sur le déclin, actuellement à la recherche d'un enfant à adopter, et son « opposé » Kirk Lazarus (Robert Downey Jr), acteur de la méthode ne jouant que dans quelques faux projet indépendants et autres œuvres pompeusement artistiques, habitué des tabloïds pour ses démêlés avec les paparazzis. Mais on croise aussi Jeff Portnoy (Jack Black) icône trash et toxico d'une série de comédies reposant uniquement sur les pets (Vous disiez ? Eddie Murphy ?), Alpa Chino (Brandon T. Jackson), rappeur marketing jouant à outrance sur l'imagerie vulgos et Kevin Sandusky (Jay Baruchel), petit jeunôt connu pour ses pubs contre l'herpès et idéaliste forcené.
Une troupe d'être pathétiques, forcément paumé dans le miroir aux alouettes - le grand Hollywood - et totalement écrasés hors champ par un producteur mégalomane incarné par un Tom Cruise méconnaissable. Sans doute un peu déséquilibré dans sa structure (on note un petit ralentissement en son centre) Tonnerre sous les Tropiques ne fait pourtant pas dans la parodie, mais dans la comédie. Stiller réalisateur reprend à la perfection l'esthétique du film de guerre et illustre sa ridicule quête d'identité avec un faux premier degré d'une rare intelligence, car ne créant jamais une distance infranchissable entre les personnages et le public. Ses héros sont certes triviaux, parfois caricaturaux, mais restent jusqu'au bout humains et donc attachants. De la même façon, son humour repose aussi facilement sur le gag pur et dur et l'image référentielle que sur l'une de ses spécialités : les dialogues de non-sens. Encore une fois Stiller montre son importance indéniable dans le monde de la comédie américaine et livre une copie cruelle, méchante certes, mais jamais gratuite. A voir absolument ne serait--ce que pour deux raisons : les fausses bandes annonces de l'ouverture (Downey Jr et Tobey Maguire en curés homosexuels se caressant sur Enigma... inoubliable) et une nouvelle fois la performance hallucinante de mister Iron Man, jouant un australien qui se prend pour un noir qui joue un chinois pour sauver ces potes. Et tout ça avec LES accents !