Parce qu'au Japon on découvre encore de nos jours des vrais forêts magiques où se croisent aliens en perditions, bestioles organiques libidineuses, adolescents se lançant dans des chorées endiablées avec une géante animée, voici le doublet Funky Forest et Warped Forest, deux œuvres WTF ? qui nous font sérieusement penser que la fameuse forêt, ils ont dû la fumer.
Né de l'esprit déjà bien décalé de Katsuhito Isshi réalisateur d'objets comme Party 7, The Taste of Tea ou de l'anime Trava: First Planet, Funky Forest se veut comme une expérience collective où, accompagné des deux collègues réalisateurs Miki Shunichiro (Custom Made 10.30, mais aussi scénariste sur The Evil Within 2) et Hajime Hishimine (Sarasoi mais aussi une parodie SD officielle d'Evangelion), il laisse une nouvelle fois libre cour à une imagination débordante et un humour nonsensique aussi gamin que désarmant. Sans début ni fin, et pas franchement de milieu non plus, l'objet ressemble à un gigantesque potpourri de scénettes qui s'enchainent avec plus ou moins de logique, un peu à la manière d'un cadavre exquis où chacun viendrait plaquer ses petits univers, ses petites obsessions, et dont le seul lien finalement serait un petit patelin nippon graduellement contaminé par une folie ambiante. Si le film s'ouvre ainsi par un catastrophique duo comique Manzai enchainant grimaces et grosses baffes (ils reviendront régulièrement par des inserts de plus en plus frénétiques), ils laissent ensuite place à un étrange jeune homme pilote d'un vaisseau traversant un univers cosmique kawai, lui-même devenant le simple écho d'une anecdote raconté par une adolescente à son meilleurs amis (mais très intéressé). Un jeu de poupée russe qui oscille constamment entre la SF Pop, la comédie musicale, la chronique presque naïve de personnages marginaux (les trois frangins dépareillés, le club des cœurs solitaires...), de sketch télévisés (la salle de classe totalement hystérique où s'invite le créateur d'Evangelion), d'apartés animées (qu'on nous dit imaginé par un chien) et d'envolées absolument grotesques mariant les déviances du boddy horror avec une candeur tout simplement hallucinante. Des instruments de musique qui se caressent à des endroits embarrassants ou se greffes sur l'anus, des comiques troupiers qui créent un remake ridicule de Videodrome ou une jeune joueuse de tennis qui tente d'exploser en plein vol des sangsues s'échappant du corps d'un homme aux tétons turgescents...
Vaste programme pour quelques performances visuelles assez fascinantes et qui tranchent parfois violement avec le rythme presque contemplatif du reste du métrage et ses petits décalages loufoques. Un long métrage totalement autre où le spectateur prend plaisir à picorer tout du long des 2h20 de spectacle, dans ces petits tableaux autistiques façon Wes Anderson signant un épisode de Twin Peaks, secoué avec une bonne dose de rythmique d'anime et de Cronenberg en couche culotte.
Responsable en l'occurrence de ces débordements les plus organiques, Shunichiro Miki tente d'offrir à Funky Forest un prolongement inattendu avec Warped Forest. Sept ans après les premières exactions, le voici en solitaire pour une œuvre entièrement financée par ses économies personnelles grâce à ses réalisations publicitaires, et sur certains points bien plus radical que le premier. Un nouveau film, un nouveau village cette fois-ci totalement sous le joug d'une présence alien, mais totalement intégré dans la vie quotidienne, voir « normalisée ». Alors qu'un gigantesque monolithe plane au-dessus des montages, les habitants répartis en géants et mini-gents (les effets collages et maquettes sont particulièrement réussis), dégustent d'étrange fruits vulves cueillis à l'entre jambes d'arbres à l'apparence de jolies femmes nues, sortent leurs économies de leurs nombrils, se lancent dans d'étrange danse smasturbatoires ou chassent les méduses terrestres avec des pistolet-pénis crachant un appât blanchâtre. Un microcosme joyeusement déviant qui se crée sa propre logique insaisissable et potache où là encore les scénettes connectées se succèdent avec une mollesse suave, un érotisme cotonneux qui s'avère sans doute encore plus bancal et désarticulé que le premier long métrage, mais séduit forcément par sa personnalité unique, dégingandé et ses partis-pris constamment assumés, jusqu'au concert végétal et ses supers sentais bios en guise de final.
Presque uniquement diffusés dans des festivals spécialisés aimant les curiosités et les œuvres singulières, Funky Forest et Warp Forest restent deux propositions à expérimenter, et désormais à déguster dans un nuage de fumée à la maison grâce aux éditions Spectrum Films.





