Restauré de bien belle manière, le premier film solo de Nicolas Roeg Walkabout ressort dans une version Blu-Ray chez Potemkine. Une sortie d'actualité tant ce film aborde des thèmes modernes comme l'écologie et la fin d'un monde, le racisme et la peur de l'autre, la folie du système capitaliste... Un chef d'œuvre à voir et à revoir.
Lorsque Nicolas Roeg s'attelle à la réalisation de La Randonnée (titre français un peu oublié désormais) en 1970, le britannique possède déjà un bagage des plus impressionnants avec une carrière de chef opérateur sur des films aussi mythiques que Lawrence d'Arabie ou Le Docteur Jivago de David Lean. Des réalisations sur lesquelles il imprimait déjà son style visuel, et l'un des points forts de ce premier film en solo (il tourna Performance un an auparavant en co-réalisation avec Donald Cammel) réside dans la beauté des images déployées et des techniques employées (fondus enchaînés, saturations des couleurs...).
Si les paysages à la fois paradisiaques et mortifères du Bush australien sont les stars de Walkabout, c'est bien un habitant de ce milieu hostile qui leur pique la vedette. Le tout jeune, à peine 17 ans, aborigène David Gulpilil pour une première apparition à l'écran le crève justement littéralement. Parlant à peine anglais, jamais sorti de son univers naturel et traditionnel, celui qui s'était fait repérer pour ses talents de danseur compose une performance impressionnante et dés lors devint une star en Australie, permettant au pays de jeter un nouveau regard sur les aborigènes sans cesse marginalisés. De l'aveu même d'historiens australiens (voir bonus) seul un étranger comme Roeg pouvait donner le rôle titre à un représentant de ce peuple.
Ce qui fait la force et l'originalité de cette œuvre c'est aussi que cette beauté, sublimée par la B.O. quasi mystique de John Barry, est sans cesse contrebalancée par la dureté du monde, l'histoire démarrant et finissant par un suicide. A la fois contemplatif et dénonciateur, le film est bien de son temps par son tempérament hippie, mais aussi en avance quand on voit à quel point certains thèmes résonnent aujourd'hui. Une sorte de fable écologiste à ranger entre un reportage du National Geographic et un brûlot misanthrope ! On songe ainsi à deux autres films tournés en Australie dans les 70's, Wake in fright (1971) de Ted Kotcheff qui montrait la folie de l'homme blanc au cœur du Bush et marqua toute une génération pour une scène de combat homme-kangourou qu'on retrouve justement dans le film de Roeg. Ainsi que Long Weekend (1978) où un couple se retrouvait confronté à la « vengeance » de la nature suite à son absence de respect envers elle. Le long-métrage de Roeg est bien sûr aussi une magnifique quête initiatique, qui fait d'ailleurs partie de la liste du BFI des 50 films à voir avant d'avoir 14 ans, tant il invite à l'ouverture aux autres et à notre monde. Le jeune Luc Roeg et l'adolescente Jenny Agutter seront ainsi nos guides, nos yeux face à la découverte d'une autre culture et d'un autre monde à la fois terrifiant et magnifique. Un sorte de Jardin d'Eden comme semble nous le signifier l'une des plus belles scènes du film où Jenny Agutter innocente et nue nage dans une mare entouré d'un décor à couper le souffle.
Plus de cinquante ans après sa sortie, Walkabout n'a rien perdu de sa force, bien au contraire. A l'instar d'autres réalisations de son auteur comme Ne vous retournez pas ou L'Homme qui venait d'ailleurs, celui-ci est en même temps des plus singuliers et des plus beaux. Voir ce film est donc une expérience que tout cinéphile se doit d'accomplir !



