Le stakhanoviste Jess Franco retrouve la star du gothique Christopher Lee pour un démarquage plus qu'honorable du Grand Inquisiteur de Michael Reeves, avec Le Trône de feu venant célébrer le sens de la justice on ne peut plus personnel du véritable juge Jeffrey. Un grand moment d'histoire, avec quelques soupçons de dérives sanglantes et d'érotisme cela va de soi.
Toujours produit par Harry Alan Towers, lui permettant d'accéder à un confort de production inédit dans sa carrière, Jess Franco connaît dans cette dernière partie des années 60 une période faste, à la fois plus sobre mais incroyablement plus soignée. Le cinéaste semble certainement beaucoup plus appliqué dans sa mise en scène, ses cadrages et surtout dans son appréhension de narrations beaucoup mieux tenus. Il est sans doute motivé par les superbes décors portugais et espagnols, la crédibilité et la richesse des costumes, l'esthétique de la photographie, l'étendue des compositions de Bruno Nicolai, mais aussi la mise à disposition de casting internationaux des plus solides. Dans Le Trône de feu on reconnaît ainsi l'autrichienne Maria Schell vue chez Visconti (Nuits Blanches) ou Richard Brook (Les Frères Karamazov) en aveugle capable d'entrapercevoir le destin des protagonistes, l'anglais Leo Genn (Moby Dick de John Huston, Quo Vadis...) en noble inquiet par l'état de son Angleterre, mais aussi et avant tout l'immense Christopher Lee. Un acteur extrêmement cultivé qui connaissait justement parfaitement les agissements du tristement célèbre George Jeffreys et ses Assises sanglantes, accusant et condamnant le moindre suspects de rébellion contre l'éphémère Jacques II, à la torture, à la pendaison ou au bûcher sous prétexte de sorcellerie.
Un monstre de l'histoire que Lee présenterait presque astucieusement comme un bureaucrate lassé mais appliqué, que seule la présence de la très jolie Maria Rohm (Justine, 99 Femmes, Black Beauty) va raviver dans ses pulsions plus humaines. Sur fond de rébellion contre le roi félon et son sbire à robe rouge, de romance entre la belle blonde et un charmant jeune duc bien entendu très mal vue par "l'homme de loi", Jess Franco signe un film d'aventure bien efficace avec cavalcades à cheval, batailles à l'épée, roulades dans le foin et quelques tentatives de viols sur la pauvre Mary, faisant ainsi écho à la très fructueuse série des Angélique, mais aussi permettant au cinéaste de faire glisser parfois le classicisme apparent vers quelques élans sadiens beaucoup plus personnels. Déjà collaborateur de Jess Franco sur quelques épisodes de Fu Manchu, Les Nuits de Dracula et Eugénie, Christopher Lee sera désagréablement surpris lorsqu'il découvrira les scènes de tortures appesanties et totalement gratuites dans lesquels de jolies demoiselles, plus ou moins dénudées, mais toujours suppliciées, subissent les coups de fouets et les lames sanglantes du grimaçant Howard Vernon en collant et cagoule de bourreau. Des séquences qui culmine lorsque notre belle héroïne se met à lécher lascivement et longuement, sans aucune raison, le corps d'une de ses camarades d'infortunes. Jess Franco restera toujours Jess Franco.... Il s'intéressera d'ailleurs à nouveau à ce fameux Juge George Jeffreys trois ans plus tard avec le tout aussi réussi Les Démons, cette fois-ci plus influencé par le succès de Les Diables de Ken Russsel.



