Elles étaient belles nos années 80, à l'heure où le divertissement populaire se faisait à l'arrache, se confiait à quelques tarés locaux et où les curiosités expérimentales étaient légions. Véritable symbole d'une époque, Jack Burton n'a pas pris une ride et reste le film popcorn par excellence.
Comme pour la plupart de ses meilleurs films, Big Trouble in Little China (titre original) découle d'une incompréhension risible entre la politique des studios et la vision du maître John Carpenter. Alors que la Fox pensait produire un summum du cinéma d'aventure digne de concurrencer Indiana Jones et autres revivals "pulp", Carpenter s'attachait, longtemps avant Last Action Hero, à décortiquer la figure du héros made in USA. Il faut dire qu'avec la présence du réalisateur des Aventures de Buckaroo Banzaï a travers la 8eme dimension (autre film culte au titre à rallonge) aux commandes du scénario, les pontes pouvaient se douter que le résultera serait... pour le moins autre. Acteur indissociable du metteur en scène de New York 1997, Kurt Russel délaisse la figure du héros fort, dur et économe pour prendre la défroque d'un Jack Burton falot, bavard, presque gras et carrément beauf, constamment dépassé par les évènements. Incapable de comprendre la moindre subtilité de la mythologie chinoise, il arrive systématiquement en retard, rate les meilleures scènes d'action et se complaît dans quelques tag-lines nationalistes volontairement parodiques.
Car, marqué par la vision du sublime Zu les guerriers de la montagne magique de Tsui Hark, Carpenter décide de faire de son personnage principal le sidekick du film. La place du héros habile, plein de bons sentiments et tout simplement moteur de l'action revient très naturellement au charismatique Dennis Dun (L'Année du Dragon, Prince des ténèbres l'année suivante). Un déséquilibre tout simplement jouissif qui permet au long-métrage de glisser vers un délire progressif mais constant, peuplé d'un mandarin fantomatique (énorme David Lo-Pan / James Hong !), de guerriers aux pouvoirs électriques, de sectes millénaires et de créatures aussi étranges qu'une boule volante fleurie de protubérances oculaires. Drôle (les dialogues sont inoubliables), fantasque et relevé, Les Aventures de Jack Burton dans les Griffes du Mandarin n'a à l'époque pas trouvé son public (et c'est un euphémisme) à cause d'une promotion catastrophique. Le bouche-à-oreille lui à depuis permis d'atteindre le panthéon des « vrais » films cultes. Gageons qu'outre son humour burlesque frôlant le génie et son imagination débordante, la réussite de cette entreprise totalement branque revient aussi au contraste apporté par la mise en scène classieuse de l'immense John Carpenter, construisant chaque plan tel un orfèvre, et le respect impeccable avec lequel il illustre la culture populaire chinoise. Un film unique et indispensable.



