Redécouvert par beaucoup par le biais d'un célèbre thème lui aussi repris dans Kill Bill, Le Grand Duel fait certainement partie des petits classiques du genre et résonne comme une ultime résistance au chant du cygne annoncé.
Assez injustement, Le Grand Duel a presque toujours été confronté au cinéma monstrueux et opératique de Sergio Leone. Le grand ordonnateur du nouveau western italien dont justement Giancarlo Santi avait été l'assistant sur Le Bon, la brute, le truand et Il était une fois dans l'ouest. Il devait même d'ailleurs signer sa première réalisation sous la protection du mentor avec Il était une fois la révolution avant que les deux stars Rod Steiger et James Coburn ne réclament son éviction au profit de Leone. Il fut aussi, selon les rumeurs (et ses propres déclarations) quasiment le second auteur du très réussi La Mort était au rendez-vous de Giulio Petroni. C'est dire si l'envie de réaliser son propre western devait le titiller. Mais alors que Leone, là encore, choisi Tonino Valerii pour signer le glas du genre avec Mon nom est personne, Giancarlo Santi, un an plus tôt, s'efforce encore de le revitaliser, de lui redonner une certaine noblesse avec Le Grand Duel. Loin des rejetons les plus chaotiques et décadents, son film va plutôt expérimenter du coté de l'hybridation, le scénario de l'excellent Ernesto Gastaldi (La Mort caresse à minuit, Torso, Toutes les couleurs du vice...) insufflant tour à tour des notes de roadmovie (la première partie) pour illustrer le chassé-croisé entre le rigide Clayton et le rebelle Wermeer dont la tête à été mise à prix, puis de giallo alors que le mystère autour du meurtre du « patriarche » redevient le McGuffin proéminent.
Un suspens à la résolution un poil prévisible certes mais qui donne lieu à des flashback en noir et blanc limite obsessionnels qui font pour le coups directement écho à l'assassinat de JFK. Entre-temps on aura pu apprécier quelques gunfights bondissants lorsque Alberto Dentice prend une charrette pour trempoline olympique comme pour appuyer le contraste évident entre son personnage de jeune chevelu plein de fougue et la première apparition minérale et iconique d'un Lee Van Cleef tout de noir et d'autorité vêtus. Ajoutés à un défilé de sales trognes répondant aux ordres d'une famille Saxon, notables pervertis et totalitaires, eux tout de blanc et de maniérisme vêtus, ces éléments pourraient effectivement faire penser à un exercice un brin bordélique. Il n'en est heureusement rien tant Giancarlo Santi maitrise son entreprise de bout en bout, jouant à merveille des dilatations temporelles des fameux duels attendus, multipliant les assauts en lieux clos rondement menés, signant des cadres toujours léchés et se laissant emporter par le superbe thème musical mélancolique de Luis Bacalov (Django). Mais là où Le Grand Duel sonne définitivement comme une fracture avec le cinéma de Leone c'est dans son retour à de véritables figures positives, Lee Van Cleef et Alberto Dentice incarnant deux générations de justiciers, droits et nobles, qui réussissent, in fine, à faire vaincre la loi et l'ordre dans un glorieux et très joyeux happy-end.
Un western efficace, divertissant et plutôt classieux que certain qualifierait même de « Dernier grand western italien » ... On ne peut pas totalement leur donner tort.




