Séries cultes pour des milliers de petits français et d'européens, les Il était une fois... sont devenues de véritables institutions, programmes éducatifs pleins d'esprits et de finesses, mais qui se laissèrent aller à plus de fantaisie avec l'étonnante Il était une fois... l'espace et son extension cinématographique La Revanche des humanoïdes, devenant ainsi l'un des trop rares film SF hexagonal.
Père des mythiques séries animées éducatives Il était une fois... l'homme et Il était une fois... la vie, Albert Barillé imagina entre les deux une création beaucoup plus libre et d'une certaine façon plus personnelle. Entre l'exploration du passé de l'humanité et son fonctionnement biologique, il s'échappa le temps de 26 épisodes vers son avenir, son possible, par le biais d'un gigantesque Space Opera. On y retrouvait plus ou moins la même charte esthétique que son premier grand programme, dont les designs de personnages bien connus étaient toujours confiés à Jean Barbaud, un même angle grand public et didactique, mais avec un décorum et une emphase inédite. Et si en ce début des années 80 la science-fiction a nouveau le vent en poupe, Barillé va surtout piocher sa principale inspiration du coté d'un célèbre show américain datant de 1966 : Star Trek. Toute proportion gardée et avec toujours en tête la volonté de rester accessible pour les jeunes spectateurs, Barillé partage en effet cette même double optique alternant les mises en gardes sur les comportements destructeurs de l'humanité, et les grands élans d'espoirs associant ici aussi la conquête spatiale avec la découverte et la vraie rencontre de civilisations autres, venant conforter cette grande fédération de planètes alliées. Et les épisodes sont alors autant d'occasion de rêver à ces mondes lointains, extraterrestres, que d'inviter à d'authentiques réflexions sur la nature humaine, ses évolutions, l'origine de la vie, la puissance de l'esprit, l'écologie et le respect de l'autre...
Et l'humanité de Barillé autant que son regard visionnaire sont sans doute encore plus frappant avec le long métrage La Revanche des Humanoïdes sorti sur les écrans en 1983. Une version remontée, remaniée, restructurées et resserrée des six derniers épisodes qui résonne clairement comme un aboutissement de cette grande épopée spatiale. Des retrouvailles en l'occurrence avec des hommes machines appelés, Humanoïdes dont on va découvrir ici les origines tragiques et la dictatures inhumaine (et pour cause) qu'ils imposent à leurs voisins humains. Surtout, contrôlés par un grand ordinateur censé conserver la pensée de leur créateur, ils confrontent la confédération d'Omega (les gentils) et l'empire de Cassiopée (les méchants aux gros nez et aux oreilles de Spock) à leurs instincts belliqueux et à l'improbabilité d'une paix durable, leur offrant alors un choix : se soumettre à leur diktat ou disparaitre littéralement. Construit comme un mélange de space opera d'aventure et un trip métaphysique aussi proche de 2001 que de certains épisodes de Star Trek justement, La Revanche des Humanoïdes déploie aussi cette touche un peu flottante, presque artisanale du studio Procidis et d'une certaine école de l'animation française héritée du travail de Paul Grimault.
Plus poétique que nerveux donc, parfois un peu rigide dans sa narration (les fondus aux noirs trop télévisuels), et si l'animation proprement dite peut parfois montrer quelques limites, il est difficile de ne pas être impressionné par la puissance d'évocation des sublimes décors et designs mécaniques peints par le talentueux Manchu, ou ne pas se faire emporter par les compositions inoubliables de Michel Legrand. Quel dommage d'ailleurs d'avoir opté à l'époque pour une réinterprétation, avec un horrible accent américain, de la chanson titre là où le générique de la série emportait immédiatement le spectateur à des années lumières. Voyager loin, très loin, tout en grandissant, en apprenant, en questionnant le monde et sa nature, c'était bien là la grande promesse des créations d'Albert Barillé.




