Souvent déçu par les adaptations de ses textes effectuées hors de son regard (le pourtant rigolo Rawhead Rex, les suites d'Hellraiser ou de Candyman), Clive Barker se concentre désormais sur le contrôle total de ses productions. Après Midnight Meat Train et avant Dread, Tortured Souls ou un remake (curieux) d'Hellraiser, voici donc venir un séduisant Livre de Sang.
Le grand Clive ayant abandonné la réalisation (pour des raisons de santé, a priori), les derniers espoirs des fans d'Hellraiser, Cabal et Le Maître des illusions reposaient sur sa société de production Midnight Picture Show, spécifiquement créée pour mieux contrôler les adaptations de son œuvre littéraire. La structure avait déjà démontré son efficacité avec le virtuose Midnight Meat Train. D'ailleurs, c'est une nouvelle fois une des nouvelles de la longue anthologie Livres de sang (six volumes) qui a droit à une transposition sur grand écran, plus précisément les deux textes qui servaient de liant au délire érotico-gore de Barker : Livre de sang et Jerusalem Street. Ici un petit groupe d'universitaires tente de documenter l'activité paranormale d'une maison abandonnée. Un lieu qui se révèle finalement être un carrefour entre le monde des vivants et le monde des morts, ces esprits s'emparant du pauvre étudiant pour le transformer en manuscrit vivant, sur lequel ils écrivent à même la peau leurs plaintes et leur histoire. On retrouve bien là l'univers du romancier, mêlant une horreur lancinante, un ésotérisme trouble et surtout un traitement particulièrement mature de la violence et de la douleur, oubliant tous les « effets du genre » au profit d'une mise en place volontairement lente, jouant plus sur les ambiances et les personnages que sur quelques effets de sursaut. Il faut d'ailleurs reconnaître au duo de scénaristes (John Harrison / Darin Silverman) leur réussite dans la compilation, avec beaucoup de naturel, des deux nouvelles et l'exposition brillante de protagonistes motivés par leur soif de connaissance, leur duperie et leur chair.
Cette approche trouble, étrange, on ne l'avait pas vue aussi convaincante depuis l'inoubliable Hellraiser de Clive Barker en personne, avec lequel le présent long-métrage partage nombre d'éléments (demeure étouffante, faille du réel, opposition entre apparence et essence réelle des personnages). Compositeur de Creepshow et Le Jour des morts-vivants de Romero, réalisateur méritant de Darkside, Les Contes de la nuit noire, ou plus confidentiellement d'épisodes des Contes de la crypte, Profiler ou Dune, John Harisson réussit certes à donner corps aux visions gothiques et malsaines du maître (peau lacérée d'inscriptions, évocations de la crucifixion), mais sa mise en scène manque de virtuosité, comme de puissance d'évocation. En dehors d'une ouverte particulièrement graphique (une jeune femme torturée par des forces invisibles et manifestement violée), le reste ressemble trop souvent à un téléfilm dans ses choix de cadres et de mouvements. On est ici clairement loin du traitement hystérique d'un Ryuhei Kitamura, et l'on peut regretter que sans vouloir y observer les mêmes délires Bis, Livre de Sang aurait mérité une caméra plus maniériste. Il n'en reste pas moins que malgré ces défauts esthétiques, le film parvient avec brio à faire revivre l'univers du romancier, ce mélange si particulier de magie noire et d'érotisme sous-jacent, en partie aussi grâce à la justesse des acteurs, aptes à séduire les amateurs d'épouvante exigeante. On est encore loin des sommets de Candyman certes, mais la tentative mérite bien des éloges.