Seul créateur de l'inoubliable Another World, Eric Chahi sort enfin de sa retraite pour venir libérer le monde du jeu vidéo (on en fait peut-être un peu trop là). En tout cas, comme à l'époque de Heart of Darkness, l'artiste se moque manifestement des modes et des canons du moment, préférant proposer une expérience unique et réflective.
Au cours de sa retraite anticipée, sûrement pas tout à fait volontaire, suite au gouffre financier que représenta l'échec d'Heart of Darkness (6 ans de développement tout de même), Eric Chahi a semble-t-il occupé son temps à étudier la géologie et plus précisément la nature des volcans. Ses recherches servent de base à son tout nouveau jeu, uniquement disponible en téléchargement sur le Xbox Live Arcade : From Dust. Un titre qui porte bien son nom puisque de la poussière à la poussière, chaque niveau est un éternel recommencement, voyant quelques hommes d'une tribu s'extraire d'un tunnel dans le sol pour découvrir un monde nouveau. Là, aidé par leur dieu tout puissant (le joueur), ils doivent dompter les lieux, apprendre à vivre avec les forces de la nature (marées puissantes, tsunamis, tremblements de terre, mouvements cycliques, incendies...) pour y installer leur village et ainsi permettre à la vie de reprendre sa place sous la forme d'une végétation luxuriante et d'une étrange faune. Une fois la mission accomplie, cinq indigènes traversent une nouvelle porte vers l'inconnu. Une métaphore brillante et poétique de la condition humaine, de sa fragilité face aux réalités de la planète et une mise en garde écologique qui se découvre peu à peu, au travers de quelques poèmes tribaux faisant état d' « anciens » depuis longtemps disparus.
Pour un soft conçu pour le téléchargement, l'exigence thématique est impressionnante, tout comme la richesse visuelle (comment ne pas penser à La Planète sauvage de René Laloux ?), reposant sur un moteur physique d'un réalisme bluffant, capable de gérer les mouvements de l'eau et l'éruption d'un volcan avec toujours la même subtilité, à tel point que la contemplation passive devient un réel danger. C'est que même en étant l'esprit protecteur de ses chères ouailles, vos pouvoirs sont forcément limités et reposent tout d'abord sur les antiques totems autour desquels se construisent les villages : fixer l'eau un instant, l'obliger à contourner les habitations, transporter de la matière première (sédiment ou liquide) pour la déposer ailleurs... Des actions qui donnent, à l'instar du classique Populous, la sensation grisante de contrôler la destinée d'un monde. Ce qui, en l'occurrence, est totalement faux puisque le moindre déplacement volontaire, ou non, de la géographie peut provoquer l'apparition d'une source qui va inonder la zone ou révéler des arbres explosifs, ou encore rediriger la vague de lave à un endroit inopportun. Les défis ne sont pas forcément évidents à relever, d'autant que les manipulations sont parfois un peu hasardeuses (le pad manque de pèche) et surtout de précision. Exceptés quelques petits soucis techniques de cet acabit (problème de pathfinding...), From Dust est une excellente surprise et permet de se confronter aux difficultés de l'omnipotence pendant une dizaine de niveaux, auxquels il faut bien entendu ajouter une trentaine de défis plus courts (et aux directives plutôt drôles) et la recherche périphérique de « pierres de souvenirs » contenant des récits d'autrefois. Un univers étrange et unique pour un soft réellement prenant, auquel il ne manque qu'un soupçon de variété pour s'imposer pleinement. Mais From Dust est un jeu d'auteur, véhiculant une véritable identité. Et c'est tellement rare...





