Que pouvions-nous attendre de la part d'Eric Lartigau après Un ticket pour l'espace et Prête moi ta main ? Pas grand-chose, soyons réaliste... Et pourtant L'Homme qui voulait vivre sa vie crée la surprise, prouvant qu'un réalisateur de comédie peut encore, en France, s'attaquer sans faillir à un tout autre genre.
Adapté du roman homonyme de Douglas Kennedy, le film expose sans perdre de temps l'existence tranquille de Paul Exben, avocat des temps modernes marié à la belle (et excellente) Marina Foïs, père de deux enfants et habitant dans une grande maison d'une banlieue bourgeoise. Mais dès les tout premiers plans du long-métrage, Lartigau induit que tout ceci n'est qu'illusion, qu'il y a bien quelque chose de pourri dans la vie du personnage interprété par Romain Duris (l'un des acteurs les plus doués de sa génération, à condition d'être dirigé aussi justement qu'ici). En fin du premier acte, un drame violent et inattendu vient bouleverser l'intrigue, le récit intime basculant soudainement dans les terres du thriller pour enfin laisser place à un road-movie pur et dur, suivant la destinée d'un homme à la recherche de sa réelle identité.
Après le magnifique Ne le dis à personne de Guillaume Canet, L'homme qui voulait vivre sa vie adapte une nouvelle fois un roman anglophone, fait poussant Lartigau à souligner l'universalité thématique du récit. Sans s'encrer trop profondément dans un culture spécifique, le metteur en scène nous transporte avec passion dans la dangereuse quête de son protagoniste ; sa caméra, maîtrisée avec simplicité et talent, ne quitte pas un instant un Romain Duris envahissant l'espace sans jamais trop en faire. Impossible de s'ennuyer devant son jeu d'acteur, passant de mari attentionné à usurpateur d'identité et nouvel amant, d'avocat cool à photographe de talent. Duris tient clairement l'œuvre sur ses épaules en dépit des belles interprétations de Niels Arestrup ou Branka Katic. Sans fioriture, allant droit à l'essentiel, et avec une humilité ne rimant jamais avec paresse. Eric Lartigau lui sert des enjeux dramatiques passionnants sur un plateau d'argent, ses plans simples et son montage elliptique valant bien mieux que les mises en scène surfaites et les dialogues sur-explicatifs auxquels nous a habitués depuis trop longtemps le cinéma français.