Après un hommage rendu à l'immense Bela Lugosi et un sympathique coffret consacré nos amis martiens, les cinéphiles avertis de chez Artus Films s'intéressent cette fois-ci aux grands sauriens de la préhistoire. Quatre films qui, en pratiquant le mélange des genres, prouvent que bien avant Spielberg, les dinosaures dominaient le monde du cinéma.
Premier de ces films, et sans aucun doute meilleur long-métrage du coffret, The Beast of Hollow Mountain a pour lui de bénéficier du parrainage de Willis O'Brien, pionnier des effet-spéciaux et spécialiste du film de dinosaures, et qui fut à l'origine de l'idée même de ce film. Cette co-production américano-mexiquaine signée du duo Edward Nassour/Ismael Rodriguez anticipe de près de 35 ans le culte La Vallée de Gwangi, mixant allégrement les ingrédients du western à ceux du film de monstre. Sur la trame archi-rebattue du bétail qui disparaît, The Beast of Hollow Mountain prend son temps avant d'entrer dans le vif du sujet. Un peu trop d'ailleurs, l'intérêt tout relatif d'une bluette amoureuse entre un gentil cow-boy ricain et une jolie mexicaine prenant le pas sur un éventuel suspense. Mais au moment où le spectateur s'apprête à piquer du nez, insensible au marivaudage exagéré qui se déroule sous ses yeux, voilà que la Bête en question fait son apparition. Cadré dans un cinémascope du plus bel effet, le tyrannosaure vedette, parfaitement animé soit dit en passant, semble doper la mise en scène, le rythme s'accélérant alors au gré de mouvements de caméra inventifs et d'un montage nerveux au possible. De vaguement intéressant, le film en devient carrément exaltant, et c'est avec un grand malheur qu'on s'apperçoit qu'il est déjà fini. Vraiment dommage, tant une meilleure gestion de l'intrigue aurait permis à The Beast of Hollow Mountain de se hisser au rang de classique du genre. Ce qui est loin d'être le cas des trois autres films l'accompagnant...
De mélange des genres, il en est également question dans le totalement fauché King Dinosaur, second film du docteur ès gigantisme, Bert I. Gordon. Bénéficiant d'un budget ridicule et d'un tournage d'un week-end, le futur réalisateur de Soudain... les monstres livre un métrage étrange, film de science-fiction et d'aventure « tarzienne », où se mêlent stock-shots scientifiques, animaux réels (un serpent qui rugit !) ou factices (un crocodile géant en plastique), avant l'apparition absolument hilarante du King Dinosaur lui-même, en fait un iguane affublé d'une corne en plastique ! Avec ses acteurs peu impliqués et son rythme mollasson, King Dinosaur ne dure heureusement pas bien longtemps, et sa conclusion abrupte aura vite fait d'achever le cinéphile ayant tenu jusqu'au bout. Bref, à voir ne serait-ce que parce qu'il s'agit du tout premier film de dinosaures dans l'espace. Et ça, c'est plutôt une bonne nouvelle !
La qualité du coffret remonte un (petit) peu, le temps du bien nommé Lost Continent, premier film du second disque. Prolifique réalisteur de séries B, le vétéran Sam Newfield s'associe au truqueur Edward Nassour (oui, le co-réalisateur de The Beast of Hollow Mountain, ceci expliquant cela...) pour la confection de ce récit de guerre et d'espionnage virant subitement à une adaptation officieuse du roman séminal d'Arthur Conan Doyle (Le Monde perdu). Confrontant une poignée de soldats, menés par le charismatique Cesar Romero (futur Joker de la série Batman des années 60), à une poignée de dinosaures voraces et autres monstres préhistoriques (deux tricératops, deux brontosaures, et même un ptérodactyles) animés en Stop Motion, Lost Continent se savoure finalement pour ce qu'il est, à savoir une charmant série B, dont la moindre des qualités n'est pas son abscence judicieuse de stock-shots, ou la teinte verdâtre de la pellicule (le film est en noir et blanc) censé représenter le sommet de ce continent perdu. Sympathique comme tout !
Sympathique, Two Lost Worlds l'est nettement moins. Film de pirates fauché rempli de stock-shots non identifiés (les batailles navales) se muant en récit d'aventures préhistoriques (avec de gros emprunts bien visibles au célèbre Tumak, fils de la jungle), le « film » du stackanoviste Norman Dawn se vautre dans le n'importe le plus improbable, sorte de patchwork sans âme et sans affect, et qui tient autant du collage surréaliste que de la bande d'exploitation. Heureusement très court, Two Lost Worlds ne parviendra même pas à faire sourire lors de l'apparition de deux dinosaures arthritiques, eux-mêmes issus du Tumak précédemment cité. Qui aurait autrement mieux mérité sa place au sein de ce coffret nostalgique !
Frédéric Wullschleger





