Parmi les nombreuses qualités du chef-d'œuvre de James Cameron, il y a celle de remettre au centre du film catastrophe l'enjeu humain, la simplicité de l'instinct de survie et ce malgré la débauche visuelle étalée à l'écran. Enorme succès en ce début des années 70, L'Aventure du Poséidon surfait sur la même vague.
Sous-genre du divertissement spectaculaire, le film catastrophe n'est plus depuis longtemps en odeur de sainteté. Démonté cliché par cliché par les ZAZ avec leur Y a-t-il un Pilote dans l'avion, ces films bourrés de morts, d'héroïsme viril et de bonne volonté n'ont eu depuis, le plus souvent, que les honneurs de téléfilms pompeux. Pourtant dans les années 1970-80, le grand public ne jurerait que par cela, attendant les situations les plus incroyables, des effets spéciaux mirifiques et cette habituelle confrontation de l'homme moderne face à la nature qu'il croyait dompter. En fait, tout a commencé avec Irwin Allen, producteur de la série TV Perdus dans l'espace, réalisateur du Monde perdu (celui avec les lézards filmé en « grand »), qui croit dur comme fer que le roman de Paul Gallico peut aboutir à un grand divertissement. Celui qui entérinera tous les codes et les futurs élans pompeux dans La Tour infernale ne reçoit que peu d'écho de la Fox de l'époque, à deux doigts d'annuler à nouveau le projet. Le studio le pousse ironiquement à travailler avec une certaine économie. Un choix singulier dans un genre souvent boursouflé par une démesure gratuite, qui donne à L'Aventure du Poséidon un visage unique dans la grande famille des films catastrophes, celui d'un suspense tendu mais uniquement orienté vers les personnages et non la grande mécanique hollywoodienne.
Les décors sont superbes (le film fut en grande partie tourné dans un véritable navire d'ailleurs), les discrètes maquettes fonctionnent encore aujourd'hui et la séquence centrale est toujours aussi impressionnante. De quoi en donner pour leur argent aux spectateurs, mais surtout instaurer l'idée de la survie, du danger constant et de la mort qui rôde. Un poids qui pèse constamment sur les épaules de personnages venus d'horizons différents et portés par un Gene Hackman magnétique, pasteur charismatique et carrément rock'n'roll qui pousse ses camarades d'infortune dans leurs derniers retranchements. Construit presque comme un jeu d'aventure, ou en tout cas comme un parcours du combattant, L'Aventure du Poséidon questionne moins leur résistance physique que leur résistance morale, leur envie de vivre. Mené avec talent par le vétéran Ronald Neame (Scrooge avec Albert Finney, la direction photo du Ceux qui servent en mer de David Lean), le récit se contracte dans d'étroits corridors, dans quelques boyaux dont il faut s'extirper, et impose un quasi huis-clos parfois éprouvant, en tout cas très efficace. Un premier jalon qui a ouvert la voie à nombre de variations, à une suite, une minisérie et un remake tous trois catastrophiques, et dont certains dialogues, certains personnages n'évitent pas la caricature, la facilité d'écriture. Mais à l'arrivée cette aventure fonctionne à plein régime.


