Près de 40 ans après sa sortie en salle, Videodrome revient sous le feu des projecteurs grâce à (enfin) une véritable sortie en « haute définition ». Alors que de nombreux film d'anticipation ont du mal à garder leur fraîcheur au fil des ans, qu'en est-il du chef-d'œuvre de David Cronenberg ?
Après une première série de longs-métrages d'un genre nouveau et en voulant surfer sur le succès de Scanners, Videodrome marque l'entrée de David Cronenberg dans l'univers des grosses productions. Dépensant un budget confortable à l'époque (près de 6 millions de Dollars !), Universal mise sur un pari risqué en laissant les mains libres au réalisateur hautement subversif qu'était Cronenberg... Et le regrettera à la vue du produit final, le charcutant outrageusement pour les diffusions américaines et anglaises. Le jeune trentenaire s'essaie alors pour la première fois à la rude tâche de l'écriture du scénario, une écriture difficile sur un sujet périlleux dans les années 80 ! On ne touche pas à la sacro-sainte télévision, d'où la formation de l'église cathodique. Un petit écueil qui restera finalement le défaut de jeunesse de Vidéodrome, qui hérite en conséquence d'une narration légèrement chaotique mais qui dégage des idées d'une incroyable puissance.
Et force est de constater que malgré son âge honorable, le film garde toute la fraîcheur et la pertinence de son approche des médias. Les dérives imaginées par Cronenberg, déjà rafraîchies dans Existenz, viennent trouver dans le monde contemporains un écho tout particulier, ce qu'il est possible de voir dans les insondables données du peu reluisant Internet underground, le tout accessible d'un simple clic depuis un moteur de recherche, ou dans la fascination du commun des mortels pour leurs écrans de portables.
Une dérive et une surenchère constante, à mettre en parallèle avec la dégénérescence lente et progressive de l'utilisation de la télévision, brillamment imagée par l'apparition de la tumeur cérébrale des spectateurs de la chaîne câblée Videodrome. Une idée géniale et finalement en adéquation avec l'ensemble du long-métrage, que ce soit pour l'utilisation du score grandiose de Howard Shore ou l'atrocité des effets spéciaux du maître Rick Baker (Le Loup-garou de Londres) et de son assistant Steve Johnson (Spider-Man 2), qui mettront à l'épreuve l'estomac des plus courageux par leur violence graphique et leur déviance assumée. Véritable coup de génie, Videodrome reste probablement l'un des meilleurs films de son auteur, cristallisant en une seule œuvre référence l'ensemble de ses obsessions. Obsessions qu'il redéveloppera tout au long de ses réalisations suivantes : corruption de la chair (La Mouche), sexualité déviante (Crash) et troubles de la personnalité (Faux Semblants, A History of Violence). Une œuvre somme qui continue de remuer les tripes et les méninges de ses spectateurs.



