Conte ultra célébré et raconté à travers le monde, Cendrillon de Charles Perrault est aussi l'un des plus grands succès du studio Disney. C'est aussi la marque d'une méthode, d'une école, même si le grand Walt aurait bien aimé s'en passer.
Les critiques contre le studio Disney reposent le plus souvent sur deux axes. Celui de l'appauvrissement du conte ou de l'œuvre originale par le biais de l'éviction des éléments les plus sombres, et la manifeste démarche économique qui pousse à reproduire inlassablement des recettes éprouvées. Mais en observant les débuts du studio, il est évident que si démarche économique il y avait (obligatoire lorsque l'on dirige une telle entreprise), elle était clairement au service d'une exigence artistique incroyable (Pinocchio absolument unique), d'une succession d'expérimentations incroyables (Fantasia, le duo mexicain Saludos Amigos / Les Trois Caballeros) et aussi de séquences loin de la niaiserie commune (la sorcière de Blanche Neige, la mort de la mère dans Bambi...) dont le succès furent tels auprès du grand public... qu'ils faillirent faire couler définitivement le studio. En 1950, il faut rappeler que seul Blanche Neige avait été synonyme de réelle et remarquable rentabilité. Celui qui voulait repousser les limites du cinéma d'animation, faire de son studio un vivier de création (voir sa collaboration avec Dali) et en profiter pour agrandir son parc d'attractions, voyait donc ses rêves s'effondrer. C'est la qu'intervient Cendrillon, projet que le producteur traînait depuis près de vingt ans dans ses cartons (un court métrage muet en atteste), mais qu'il repoussait pour cause de similitude avec Blanche Neige et les 7 nains. Chaque court-métrage non dédié à Mickey Mouse étant boudé (Disney finit par se désintéresser d'ailleurs totalement du personnage), les familles réclamaient à corps et à cris un retour au conte de fée classique.
Cendrillon est donc une solution de la dernière chance pour le Studio Disney qui pour le coup ne va prendre aucun risque en calquant directement sa trame sur celle de son premier grand film, recopiant à peu de choses près la personnalité (très limité) de son héroïne et s'efforçant d'alterner gentiment entre romance sirupeuse et gags cartoonesques maintes fois éprouvés. Les deux œuvres l'une à côté de l'autre, le parallélisme est confondant : la confection de la robe par les gentils oiseaux et les souris singe la fameuse séquence du ménage, les mimiques de la méchante belle-mère sont identiques, les rongeurs ont le même rôle que les nains, et les graphismes ronds et joviaux font leur grand retour. Même atmosphère, même célébration de la gentille cul-cul de service, mais non sans avoir laissé de côté les passages les plus charismatiques du long-métrage de 1937 : pas de séquence effrayante ici, pas de méchant chasseur, pas de forêt cauchemardesque. Au passage, marqué par dix ans de disette, Cendrillon ne profite pas du budget imposant de ses prédécesseurs, les artistes livrant ici certes quelques superbes décors et des animations de personnages toujours aussi soignés et fins, mais n'hésitant pas à laisser quelques arrières-plans vides (remplacés par des dégradés de couleurs), limitant leurs cellulos à de très rares ombrages... allant finalement constamment à l'essentiel. Sans heurt et sans prouesse (même la fameuse chanson de la marraine tourne court), Cendrillon va ainsi sauver le studio, lui permettre de repartir sur des bases financières saines, mais on peut le regretter, sur un mauvais pied plutôt que sur un élan purement créatif. Le savoir-faire est évident, aussi bien techniquement que dans le story-telling, mais le génie des débuts a définitivement disparu. Et même si par la suite le studio aura livré quelques très beaux films, dans son âme, il ne s'en sera jamais vraiment remis.




