1994. Une triste année pour les amateurs de jeux de baston et en particulier pour les fans de Street Fighter. 1994 ou l'année de la sortie de Street Fighter L'Ultime Combat, triste bouse signée Steven de Souza avec un Jean-Claude Van Damme inbouffable et des tonnes d'images atroces et de bagarres minables. Mais la même année, comme une revanche sortait aussi sur les grands écrans japonais un long métrage d'animation, véritablement chapeauté par Capcom et intitulé Street Fighter II The Movie, comme pour attester de son statut officiel.
Et forcément cela n'a absolument rien à voir, puisque soucieux des vrais fans, le métrage produit par le studio Group TAC (qui se chargera par la suite de la série Street Fighter II V) reprend point par point les embryons de scénarii découverts dans les modes solo du jeu arcade, et surtout la personnalité très esquissée des nombreux personnages. Pas évident d'ailleurs de raccrocher toutes les pièces puisque, peu intéressés par ce genre de chose, les scénaristes de Capcom y mêlaient quêtes initiatiques, maitres du crime, espionnages et surtout de nombreuses notes auto-parodiques. Peu importe, le réalisateur Gisaburo Sugii (Théo ou la batte de la victoire) et son coscénariste Kenichi Imai, réussissent "oh miracle!" à le réorganiser dans un tableau viable. Ou du moins suffisamment tenu pour servir de prétexte à un véritable long métrage, parfois chaotique, toujours très bis, mais où tout un chacun reconnait l'honorable Ryu, le sadique Balrog, le ricain Guile, le ballot Honda et surtout la rafraichissante Chun Li. Mine de rien, vu la vacuité psychologique d'un jeu de ce genre, le résultat est à la limite du miracle. Surtout que contre toute attente, le réalisateur ne se contente pas d'enquiller les séquences chocs ou les poses forcées, mais s'efforce véritablement de donner une personnalité à son oeuvre, créant par la langueur de ses plans, l'ampleur du montage et l'alternance entre des ballades discrètes et un silence très présent, une sensation de mélancolie, d'œuvre contemplative assez déroutante, habitée par quelques paysages naturels enivrants.
Cela n'empêche pas le métrage d'être surtout reconnu pour sa maitrise hallucinante des séquences d'action. Magnifiquement animées, extrêmement tendues, chorégraphiées avec précision, rythmée et spectaculaires, elles culminent particulièrement dans leur utilisation inspirée des véritables enchainements et « super-coups » du soft. L'ouverture est à ce titre particulièrement réussie, opposant Ryu à Sagat (le champion de Muay Thai) dans une plaine éclairée à intermittence par les éclairs d'une tempête menacante, elle allie esthétique, puissance et hommage fervent aux nombreuses heures passées par certains dans les anciennes salles d'arcade. Rarement un film aura autant carréssé les fans dans le sens du poil sans manquer sa cible, revisitant même les designs des personnages avec virilité et disposant autant à l'image que dans la bande son, un grand nombre de clin d'œil pour les fins gourmets. Une intention uniquement mesurable en version originale, puisque comme cela se faisait beaucoup trop dans les années 90, les américains n'avaient pas hésité à refaire l'intégralité de la bande son (et opérer quelques coupes au montage tant qu'à faire). Exit les reprises de thèmes mythique ou une chanson pop entrainante lors du grand final, Street Fighter II The Animated Movie (comme ils l'appelaient là-bas) se retrouvait avec des musiques d'ambiances bourrines et quelques tubes de Korn ou de Silverchair. Inadapté et douloureux. En particulier lors de la scène culte du film, ou après une douche bien chaude la petite chinoise se fait attaquer par l'espagnol aux griffes dans son appartement, dérivant ainsi l'attrait du spectateur d'un érotisme frontal vers une confrontation violente et vicieuse. Street Fighter II n'est certes pas le plus passionnant des films, ni le plus maitrisé, mais il regorge de quelques séquences qui restent ancrées dans le cœur des fans. On ne peut pas en dire autant de tout le monde.





