Resté longtemps inédit, ce western de facture classique est signé Michael Curtiz, cinéaste de l'âge d'or hollywoodien. Le réalisateur de Casablanca, Les Aventures de Robin des Bois et La Charge de la Brigade Légère orchestre un drame familial certes touchant mais un poil daté. Mise au point.
Grâce à un script hautement dramaturgique, Curtiz oppose les valeurs altruistes et humanistes à la barbarie et la veulerie du Far West. Pour incarner le fier John, père meurtri prêt à tout pour sauver son rejeton muet, le réalisateur convoque Alan Ladd, l'une des légendes du western. Icône instantanée grâce à son personnage de Shane dans L'homme des Vallées Perdues (œuvre de George Stevens datant de 1953), le comédien incarne à lui seul toutes les vertus du cowboy. Courageux et opiniâtre, calme et réfléchi mais paré à faire parler la poudre si jamais un renégat venait à lui manquer de respect, c'est un « bon gars » toujours d'attaque pour filer un coup de main. Besoin de quelqu'un pour aller chercher de l'eau au puits ? En quête d'une âme charitable pour changer la roue de votre chariot ? Appelez-donc John... Père aimant et aimé, il guidera son fils vers la voie de la guérison, tombera amoureux d'une veuve en mal de câlins et se confrontera à ces « salopards » du clan Burleigh symbolisant, via leur rictus patibulaires et leurs méthodes expéditives, toute la dégénérescence du monde.
Malgré une distribution alléchante et la solide maîtrise formelle de Curtiz, habile artisan-faiseur formé à la vieille école, Le Fier Rebelle finit par ennuyer. Pétri de bons sentiments, « tire-larmes » au possible et souvent trop manichéen, le film crispe et agace à défaut d'émouvoir. Ca chuinte de toutes parts, à tel point qu'on croirait parfois visionner les rushes de La Petite Maison dans la Prairie. Le cinéaste et les comédiens en rajoutent dans le pathos : le jeune David (incarné par le propre fils d'Alan Ladd) a pour seuls appui son chien fidèle et l'amour incommensurable des siens. Quant à John, il est bien trop lisse pour être honnête, roi du sermon et de la bonne conduite (puritaine). Comme souvent, c'est du côté des méchants que le film devient intéressant. Brigands de pacotille, « bad-boys » d'Epinal, les sbires du clan Burleigh ressemblent à des bandits de cartoon, des Frères Dalton avant l'heure. Bas de plafond, dissimulés sous d'immenses stetsons, ils maîtrisent l'art de l'infâme et des coups tordus et ne reculent devant rien pour parvenir à leurs fins. Notons à ce titre, la présence au casting de John Carradine (et sa trogne gravée dans la roche) et d'un très juvénile Harry Dean Stanton, comédien culte et héraut « white-trash » de l'Americana, que l'on reverra plus tard chez John Carpenter (Christine), Wim Wenders (Paris, Texas) ou Ridley Scott (Alien). Les deux acteurs apportent une touche de déviance, une once de folie décérébrée, à ce western rigide et pastoral, aussi dégoulinant qu'un cupcake garni de crème fouettée.



