A force de catastrophiques Insaisissables ou de tortueux Le Prestige, le spectateur en oublierait presque que le but premier de la magie est d'émerveiller et d'amuser. Avec une certaine nostalgie et une naïveté rayonnante, Le Grand Magicien sort à nouveau de son chapeau quelques lapins, cache des bijoux derrière l'oreille et jongle avec un feu qui ne brule pas.
Réalisateur de polars carrément recommandables comme One Nite in Mongkok ou Shinjuku Incident, Derek Yee (ou Tung-Shing Yee) délaisse un temps les décorums sombres et urbains pour livrer un Grand Magicien des plus inattendu. Un divertissement fantasque qui pourtant garde en ligne de mire une même élaboration de détournements des apparences, mais où ici l'écran de fumée est littéralement provoqué par un impeccable Tony Leung Chiu Wai, véritable incarnation chinoise de Houdini. Dans les décors somptueux d'un Pékin des années 20, le film combine fresque historique, embryon de guerre civile, grands complots et romantisme exacerbé, mais avec une décontraction toute locale qui transforme immédiatement chaque séquence en une farce réjouissante, parfois lourdingue, mais agréablement divertissante. Surtout que des acteurs de la trempe de Ching Wan Lau (Mad Detective, Running Out of Time) se prêtent admirablement au contre-emploi, jubilant dans un surjeu excessif, survolté qui retrouve par les expressions, les mouvements, l'immédiateté du slapstick.
Et cette proximité avec l'esthétique et le rythme des comédies du muet, est entièrement voulu, le réalisateur accumulant les clins d'œil aux pionniers du cinématographe avec quelques mise en abymes (les films dans le film) ou des jeux d'ombres qui, mêlée avec les tours de passe-passe et illusions attendues (trop d'images de synthèse cependant) impose une vision proche de celle de Méliès. De très belles et amusantes séquences où tout n'est que tromperie et détournement comme lorsqu'un manuel magique s'envole, tiré par des filins transparents ou que les prouesses d'arts martiaux reposent essentiellement sur des chausse-trapes ou une mise en scène chorégraphiée par le Grand Magicien du titre. Rien n'est vrai, rien n'est ce qui paraît au premier abord, comme le méchant identifié qui se révèle un trublion chaleureux et attachant, ou la romance initiale qui se détourne en marivaudage aux sous-entendus presque libertin. Rien n'a vraiment d'importance donc, ce qui explique sans doute le coté chaotique de l'entreprise, les dispersions et les longueurs... un peu à la manière (toutes proportions gardées) du superbe Festin Chinois de Tsui Hark (ici en caméo dans la défroque d'un vieux général hystérique) là aussi grosse production fédératrice mise en boite pour fêter le Nouvel An chinois. Même si parfois le gimmick use de très grosses ficelles et recycle quelques tours déjà-vu, la volonté d'offrir un spectacle faste et complet plutôt qu'un prestige ampoulé, séduit l'âme d'enfant du spectateur. Un très bon moment.



