C'est un grand film, de ceux qui font aimer le cinéma, qui ressort aujourd'hui dans une édition haute définition à couper le souffle. De quoi se replonger avec délectation dans une époque où le cinéma de spectacle savait se faire vraiment ambitieux.
Cinéaste majeur des années 50, décennie flamboyante qui le vit réaliser des chefs-d'œuvre tels que Le Violent, Johnny Guitare, La Fureur de vivre ou La Forêt interdite, Nicholas Ray s'était déjà adonné une fois aux fastes de la superproduction hollywoodienne, marchant sur les traces de Cecil B. De Mille pour réaliser le biblique Le Roi des Rois, lorsqu'on lui confia les rennes de ce qui allait être son dernier « vrai » long-métrage, celui qui nous intéresse ici. Miné par la maladie (il fut victime d'une crise cardiaque lors du tournage), Ray parvint pourtant, et malgré son remplacement partiel par le réalisateur de seconde équipe Andrew Marton, à investir le projet de ses propres obsessions humanistes, et à traiter la révolte des Boxeurs, évènement majeur de l'histoire chinoise, avec tout le sérieux et le panache qu'on lui connaissait. Tragédien dans l'âme, ayant œuvré dans presque tous les genres de l'Âge d'or ses studios, Nicholas Ray était sans aucun doute l'homme idéal pour mener à bien ce qui restera comme l'une des fresques épiques les plus impressionnantes de son époque.
S'ouvrant par un plan-séquence époustouflant de maîtrise, survolant les concessions des pays occidentaux installés à Pékin, Les 55 jours de Pékin préfère le spectacle et le romanesque à la véracité historique. Et c'est souvent tant mieux. En mêlant la petite histoire (la romance contrariée entre Heston et Gardner - qui se détestaient copieusement pendant le tournage -, l'histoire de la petite fille chinoise du soldat américain) à la Grande (l'Alliance des huit nations étrangères pour lutter contre la secte nationaliste des Boxeurs), Ray et son équipe (dont les légendaires chef-opérateur Jack Hildyard et compositeur Dimitri Tiomkin) se lâchent comme rarement dans la flamboyance de décors, costumes et figurants (dans les scènes de guerre comme dans les scènes plus « quotidiennes »), pour un résultat qui nous rappelle pourquoi le cinéma américain fut (et reste ?) le plus impressionnant du monde. Peut-être pas un chef-d'œuvre du genre, la faute à quelques visions caricaturales de la Chine et à un tournage en tous points chaotique, mais par sa beauté picturale stupéfiante, son sens de l'épique éblouissant et son casting impeccable (d'où surnage sans peine le toujours parfait David Niven), Les 55 jours de Pékin ne démérite jamais. C'est grand, c'est beau, et franchement, on ne se lasse pas de le revoir.

