Après l'incompréhensible reboot d'une licence fructueuse et même pas encore âgée d'une décennie, il aurait fallut qu'Amazing Spider-man 2 réussisse totalement à s'affranchir de ses origines pour découvrir une optique inédite ou en tout cas proposer une aventure originale rendant enfin hommage à la création de Stan Lee et Steve Ditko. Ici l'hommage prend des allures de cérémonie funéraire.
A la fois pour préserver les droits de Spider-man et pour régler leur différent avec Sam Raimi et sa trilogie virtuose mais anti-studio, Sony avait emballé un premier Amazing Spider-man constamment perdu entre un modèle inaccessible, un besoin d'en gommer les ressemblances tout en proposant une approche plus ouvertement commerciale (les Raimi ont pourtant été un carton) des aventures du monte-en-l'air. Tout jeune réalisateur bazardé dans la tourmente et, on l'imagine, des réunions de production aliénantes, on espérait secrètement que Mark Webb avait tout simplement été grignoté par la pression et écrasé par l'étau d'un blockbuster tiraillé entre Sony et Marvel Studio. Clairement ici plus question de se faire d'illusions tant Le Destin d'un héros est une entreprise qui ne va avoir de cesse tout au long des plus de deux heures d'interminable spectacle, de scier la pauvre et frêle branche sur laquel il est assis. Effectivement, plus question de faire de comparatif avec l'œuvre de Raimi et en particulier l'extraordinaire Spider-Man 2 (10 ans pile poil), tant Amazing s'envole définitivement sur une voie opposée, là où l'univers de l'Araignée n'est plus porté par le regard de fan d'un réalisateur, mais bel et bien par la volonté de satisfaire tout les spectateurs potentiels, de gaver le script de fan service à tout prix et surtout de préparer avec des sabots de dix tonnes un futur troisième épisode, ses spin of et autres Sinister Six.
Un film conçu comme une partie de Jenga où à force d'ajouter des couches vaguement connectées piochées autant dans les comics (la mort de Gwen Stacy balancé en 10 secondes), dans les derniers succès de Christopher Nolan (l'ouverture inutile et moche) et dans les jeux vidéo (Mirror's Edge toujours, mais aussi Prototype), plus personne ne sait où aller. Un défilé de personnages le plus souvent peu développés, via des sub-plots jamais aboutis, que l'on aimerait pourtant nous faire aimer, voir carrément percevoir comme d'authentiques figures iconiques du genre. Pourtant impossible de découvrir sans sourciller le pauvre Jamie Foxx en geek aux cheveux gras transformé en Mr Manhattan qui recharge les piles Duracell, ou le jeune Dane Dehaan perdu dans une mauvaise imitation de Leonardo DiCaprio se rappeler soudain qu'il doit devenir le nouveau Bouffon vert. LA nemesis de Spidey rappelé in extremis dans la dernière demi-heure du film mais sous l'apparence d'un ado au teint vaguement verdâtre, au rictus pointu et au rire digne de la sorcière du Magicien d'Oz. Ridicule. A ce titre, si une fois encore les effets spéciaux sont techniquement bluffants de réalisme autant dans les décors que les animations, et que l'action peu s'avérer spectaculaire (mais sans émotion), la direction artistique creuse définitivement le tombeau du film pour les années à venir. Pimpant, clinquant, sans âme, The Amazing Spider-Man 2 prend ici l'identité visuelle d'une énième comédie romantique pour ado où le pauvre Peter Parker, majeur, se comporte toujours comme un collégien, s'afférant vers un jeunisme crispant (les scènes d'enquêtes uniquement via internet) et l'effet de mode éphémère. Déjà dépassé, déjà ringard, ce film de super-héros qui semble surtout marcher sur les traces des Quatre Fantastiques de la Fox, se retrouve qui plus est constamment plombé par le collectif musicale d'Hans Zimmer (déjà à la masse sur Man of Steel) qui imprègne sa partition orchestrale de dubsteps plein pot pour faire copain avec Pharrell Williams et signe un thème principal tellement subtile qu'on dirait celui d'un film de Captain America des années 80. Autrefois agile, drôle et virevoltant, Spider-man se métamorphose en bouffon de celluloïd, presque schyzo dans l'interprétation insaisissable d'Andrew Garfield, dont la toile s'effiloche de minute en minute. Et qu'elles sont longues ces minutes !




