Énième divertissement teen des années 80 et pourtant, Trois heures, l'heure du crime n'a pas forcément connu un succès retentissant à sa sortie. Et pourtant les années, et les vidéoclubs aidant, cette première réalisation de Phil Joanou (Les Anges de la nuit, Sang Chaud pour meurtre de sang-froid) a trouvé sa place au milieu des meilleurs créations de John Hughes.
Jeune étudiant en école de cinéma, Phil Joanou a rapidement été remarqué par le roi du cinéma américain des 80's : Steven Spielberg. Après deux épisodes dans la série Histoires fantastiques, il se voit ainsi proposer le scénario sympa de Richard Christian Matheson et Tom Szollosi, que Spielby voit bien venir concurrencer les cartons de John Hugues sous l'égide Amblin. Après un petit imbroglio liés aux droits du script faisant apparaître au générique Aaron Speling et non le fameux petit logo avec E.T. (l'équipe Amblin est pourtant restée en soutien) Joanou se réapproprie rapidement le matériaux, conscient certes des attentes d'un spectacle léger, vif, référencé et fluo, mais préférant faire glisser le métrage vers une vision plus sombre, plus proche en tout cas des angoisses que peuvent provoquer ces fameuses années lycées. Les gags existent, les caricatures habituelles de la vie lycéennes sont exploitées à foison (la rumeur qui file plus vite que le vent), l'ouverture du film décrivant la chambre chaotique du jeune héros vient clairement se poser sur les plates-bandes d'un certains Ferris Bueller, mais certainement Trois heures, l'heure du crime teinte constamment sa chronique doucereuse, pas une étrangeté plus prononcée, voir même une touche de noirceur (la violence constante sous-tendu) dont on ne retrouvait alors d'équivalent que dans le très amoral Risky Business.
Pas d'échappée vers la grande ville, pas de grande projection sur le passage à l'âge adulte ou de fantasme d'une première fois gracieusement romantique, le film de Joanou resserre ses enjeux à une simple question de survie, celle de Jerry, menacé de se faire fracasser à la sortie du lycée par un géant psychopathe fraîchement transféré. Ponctué par l'avancé implacable d'une horloge sans pitié, la comédie raconte les tentatives malheureuses du jeune héros, vaguement aidé par son meilleur ami, sa sœur et sa future dulcinée un peu allumée, pour échapper à ce destin funeste. Si la mise en scène entre panoramiques fluides et rapides, montage percutant et surréalisme à la lisière de l'hystérie s'inspire très volontairement du After Hours de Martin Scorsese, la structure même du film est un démarquage assez brillant et totalement décalé du chef d'œuvre Le Train sifflera trois fois. Joanou s'y amuse même à marier à plusieurs reprises les codes parodiés du film de prison (la visite chez le CPE, le soudoiement de la brute du lycée dans la cours...) et des personnages absurdes et méchamment allumés, mention spéciale à un surveillant douteux se prenant sans doute pour Dirty Harry, incarné par un, toujours, génialissime Mitch Pileggi (oui, le Skinner de X-Files). Nourri d'une cinéphilie débordante et d'une vision plus intense de l'adolescence que le tout venant, Trois heures, l'heure du crime est vraiment l'un des petits bijoux de ces fameuses teen-comedy des années 80, ce regretté âge d'or du genre.



