Deux ans après 40 ans toujours puceau, Judd Apatow confirmait sa place de nouveau patron de la comédie américaine avec En Cloque, mode d'emploi, récit d'une grossesse involontaire qui se transforme, entre deux grossièretés, en comédie romantique bien plus douce qu'amère.
Révélé sur grand écran après quelques années de très bons et loyaux services à la télévision (Freaks & Geeks, Les Années Campus...) Judd Apatow est devenu en un seul film le nouveau rouleaux compresseur de la comédie américaine, imposant au passage tout une nouvelle bande de talents comiques aujourd'hui incontournables : Jonah Hill, Jason Segel, Paul Rudd et Seth Rogen. C'est ce dernier qui devient ici la tête de fil après un second rôle remarqué dans 40 ans toujours puceau, reprenant plus ou moins la figure du trentenaire adulescent, déconneur, irresponsable et à la marge que l'auteur apprécie d'autant plus ouvertement qu'il s'y identifie totalement. Peu importe que ce Ben Stone, mal fringué, rondouillard et grand adepte de la fumette tente vainement de monter un site internet aussi recommandable que Mr Skin, l'image justement de cet homme moderne, peinant à grandir, n'a en dehors de son langage et de son sens de la vanne affutée, pas grand-chose de nouveau dans le paysage du cinéma américain. Idem du coté de la partenaire du moment, en l'occurrence la mignonette Katherine Heigl (alors la star féminin de Grey's Anatomy), présentatrice télé en pleine ascension qui ne ménage pas sa carrière ni ses convictions, stéréotype féminin croisé des centaines de fois, à la fois faire-valoir à la bonne humeur du monsieur et véhicule d'un retour à certaines valeurs familiales plus convenable.
Une nuit de débauche, une capote oubliée, et la petite graine de la comédie du remariage reprend ses aises, ses brouilles et ses rapprochements attendus à la clef, pour un couple que tout sépare et cependant destiné à s'aimer, naturellement. Mais l'exercice se double ici d'une exploration assez féroce de la guerre des sexes. Un angle que certain pourraient juger machiste, masculin en tous cas, tant les dames en présence (dont Leslie Mann, alias madame Apatow) semblent souvent bel et bien prisonnières de leurs postures responsables, fermées, voir castratrices, tandis que le duo Rogen / Rudd, plutôt bonhommes et s'efforçant de faire au mieux, se donnent le beau rôle et les meilleures blagues. C'est toute l'ambiguïté du cinéma d'Apatow, mélangeant une irrévérence de surface, pour mieux affirmer en arrière plan des codes de la comédie à papa. Dommage certainement, mais En cloque, mode d'emploi profite aussi tout autant de cette troupe d'acteurs habiles improvisateurs et jacteurs increvables et du sens comique du scénariste et réalisateur, maîtrisant aisément son rythme sur plus de deux heures et cet équilibre ténu entre l'a désinvolture assumée (blagues régressives et politiquement incorrectes) et un romantisme non feint, quasi-naïf et donc forcément touchant.

