Autre comédie post-Splendid, Nuit d'ivresse et sa longue descente alcoolisée en compagnie de Balasko et Lhermitte aura été elle aussi, non pas un énorme succès au box office, mais un carton systématique lors de ses multiples rediffusion télévisée. Pas forcément culte, mais l'apéro en si bonne compagnie se refuse difficilement.
Comme la plupart des réussites estampillées Splendid de l'époque, Nuit d'ivresse était avant tout une pièce de théâtre crée par Balasko (qui en a en outre rédigé le texte) et Michel Blanc et dont il reste d'ailleurs une captation vidéo. Un nouveau succès qui va se prolonger avec l'arrivée de Thierry Lhermitte en partenaire de scène et même dans la foulée avec les copains Gérard Jugnot et Victoria Abril qui reprendront le flambeau et en seront quitte pour une apparition amicale à l'écran. Cette adaptation cinéma c'est avant tout une idée de Lhermitte qui, en plus de prendre son pied sur scène (les deux acteurs s'offrant à chaque représentation 10 minutes d'improvisations jubilatoires) trouve dans le rôle de Jacques Belin animateur télé miélleux d'un jeu à la con, une nouvelle occasion d'égratigner sa figure de jeune premier un peu lisse. Gagnant d'un prix de l'élégance, ce people fier habitué des couvertures de Télé 7 Jour s'avère rapidement un goujat assez lamentable, imbu de lui-même, un poil poivrot et légèrement cruel sur les bords. Face à lui, Frède et son look coloré de perroquet (manteau jaune pétant et cheveux orange) offre à Balasko un personnage à la fois naïf, prolo et à la forte gouaille où affleure une émotion profonde, à fleur de peau. C'est d'ailleurs la vision de Nuit d'ivresse qui donnera à Blier l'inspiration pour Trop belle pour toi, et c'est ce contour particulièrement touchant d'une jeune femme fragile, cœur d'artichaut et franc du collier qui donne ses plus belles couleurs au film.
Cinéaste presque débutant remarqué par les deux têtes d'affiches pour son court métrage Dialogue de sourds, Bernard Nauer qui après le triste Les Truffes disparaîtra de la circulation, suit le duo avec une certaine docilité, leur laissant toute latitude pour faire leur show et accentuant parfois avec pertinence les petits effets de mise en scène vaudevillesques en particulier tout le lendemain de cuite dans l'appartement aux portes qui claquent. L'ajout de séquences venant gonfler la pièce, comme la fameuse soirée mondaine qui tourne au chaos imbibé et au duel à la queue de billard avec le Président de la chaîne, s'intègre plutôt bien à l'ensemble, même s'il n'empêche pas l'apparition de quelques petits essoufflements. On reconnaît souvent l'influence de la comédie américaine à la Billy Wilder, la recherche de l'équilibre qui pouvait lier Jack Lemmon et Shirley MacLaine, mais sans vraiment en afficher les mêmes ambitions cinématographiques et la même perfection rythmique. Pas forcément la comédie la mieux dosée et la plus équilibrée de l'école Splendide soit, mais il est bien difficile de résister à la connivence manifeste qui existe entre les deux acteurs, l'excellence et la justesse cynique et poétique des dialogues imaginés par Balasko et cette séquence inoubliable de Frède, convaincue, se lançant dans un inénarrable numéro de majorettes dans un parking désert devant un Jacques Belin goguenard. Une prestation hilarante mais cruelle, acmé d'un film qui se visionne encore et toujours avec beaucoup de plaisir.




