1969. Tandis que son second long-métrage, Greetings, connaît un succès relativement confortable au box office américain, Brian de Palma commence à méditer sur des projets plus ambitieux, dont un certain Soeurs de sang. Fleurant la bonne affaire, son producteur le supplie de tourner une suite à Greetings avant toute autre chose. De Palma accepte, avec sans doute en tête le projet d'expérimenter sur Hi, Mom ! des techniques grammaticales et narratives qui lui serviront énormément dans un très proche avenir...
Comme le souligne très pertinemment Samuel Blumenfeld dans la préface qui accompagne ce DVD, Brian de Palma est, contrairement à ses compagnons d'alors (Martin Scorsese, Steven Spielberg et consorts), encore profondément ancré dans la pensée cinématographique des années 1960. Plus qu'une oeuvre nostalgique (Brian de Palma joue déjà de ses envies post-modernes, notamment en séparant d'un faux split-screen les personnages de Robert De Niro et de Jennifer Salt lors d'un ébat violent) entre , Hi, Mom ! s'impose toutefois comme une expérience rétrospective, le fantasme désespéré d'un auteur ayant du mal à admettre la fin de la révolte culturelle et sociale et des chants populaires américains au lendemain de l'élection de Richard Nixon. En cela, de Palma ne prend ici aucun retard par rapport aux thèmes qu'il abordera tout au long de sa filmographie, Hi, Mom ! lui permettant même de poser solidement les fondations de son rapport avec l'entité Caméra.
Alors que ses prédécesseurs aimaient observer leurs concitoyens par le trou de la serrure, de Palma, lui, use de la Caméra, de la Pellicule, des média cinématographique et télévisuel pour révéler ses personnages, les confronter à un environnement de plus en plus dominant (la société de consommation grandissante est évidemment en ligne de mire du cinéaste), voire les amener à exprimer leurs frustrations et leurs revendications face à des institutions sourdes, muettes et soit disant toutes puissantes. Il est ainsi amusant de constater que chaque protagoniste ou presque de Hi, Mom ! est amené à brandir un objectif à un moment ou un autre, que les lieux visités soient constellé de consommables audiovisuels (des bobines par exemple) ou qu'ils se présentent littéralement comme des décors de cinéma en construction (cf. l'appartement délabré dans lequel le héros accepte de louer durant le prologue). Entre les lignes de cette comédie de moeurs irrésistible pointe déjà une récurrente de la filmographie de de Palma : son obsession à questionner l'impression magnétique d'un évènement donné (qu'il s'agisse d'une scène pornographique, comme montrée dans l'ouverture, ou d'un fait divers raciste) et la manipulation qui, inévitablement, en découle. Une réflexion que prolongeront avec une virtuosité sans pareille Phantom of the Paradise, Pulsion, Blow Out ou encore Body Double.