Petite production qui n'avait l'air de rien, Panique Année Zéro, cinquième long-métrage officiel réalisé par l'acteur Ray Milland, plongeait brutalement l'Amérique dans le chaos d'une fin du monde d'autant plus probable qu'il connu un étrange écho quelques mois après avec la terrible crise des missiles de Cuba. C'est ce qu'on appelle viser juste.
Durant les longues années de la Guerre Froide et des angoisses liées à la menace du nucléaire, le cinéma américain bis s'est souvent fait échos d'un monde postapocalyptique, ravagé et désolé dans lequel il faudrait tout reconstruire, ou enterrer les dernières bribes de civilisation. Plus rares sont les films à avoir abordé plus directement les jours fatidiques, ceux où suite à l'apparition d'un gigantesque champignon atomique la société américaine s'étiole d'heure en heure face à la peur et l'inconnu. Produit au sein de la American International Picture de Samuel Z. Arkoff et Roger Corman, Panique Année Zéro est de ceux là, suivant pas à pas la virée bucolique d'une brave famille moyenne américaine s'apprêtant à vivre les joies du camping lorsque tout s'écroule autour d'eux. Budget forcément très limité, le film ne peut se permettre de projeter les visions de destructions attendues, et se concentre alors uniquement sur ces quatre personnages, père, mère, fils et fille, à la fois témoins de la catastrophe en cours et sujet d'étude du métrage proprement dit. A travers eux, le spectateur observe donc les sacro-saintes valeurs made in USA prendre du plomb dans l'aile, que ce soit l'économie et le fameux dollars, atomisés dans une inflation éclaire, la notion d'entraide et de fraternité patriotique, pour un allègre retour à la rudesse et l'implacabilité des vieux restes de l'Ouest sauvage.
Un scénario assez habile, ou en tout cas des plus pertinents dans sa construction et ses réflexions. En particulier lorsqu'il illustre avec froideur la misogynie commune reléguant mère et fille à l'arrière de la caravane sans réel droit au chapitre, ou lorsqu'un père (solide Ray Milland) voit rapidement disparaitre toutes les limites qu'il s'était astreinte prenant les armes pour obtenir son bien, protéger sa famille et menacer les autres sous le regard admiratif du fiston (Frankie Avalon, jeune star de beach movies). Mis en boite comme un divertissement avec suspens bien rodé, quelques scènes de confrontations avec de jeunes délinquants et autres échanges de coups de feu attendus, Panique Année Zéro se montre plus ambiguë que la moyenne s'approchant dangereusement d'une représentation malaisante des pulsions de certains mâles alentours, sous entendant d'ailleurs sans ombrage la teneur de l'agression dont la jeune Karen est victime, ou les sévices subis par la pauvre Marilyn, découverte dans une cabane où l'avaient caché ses tortionnaires. Plutôt efficacement réalisé par la star masculine en personne, dont ce n'était pas le coup d'essai, Panique Année Zéro n'arrive cependant pas toujours à s'extraire de ses origines modestes et d'un tournage, à priori, pas toujours des mieux organisés, marqué par quelques personnages un brin caricaturaux (l'adolescente est à claquer), d'une musique jazzy hors-propos et catastrophique signée par le trop productif Les Baxter et d'un grand final ouvert, happy-en un peu bancal et facile qui atténue la noirceur de l'objet.
Pas un chef d'œuvre soit, mais certainement une petite bande à redécouvrir autant pour son efficacité, que son propos malheureusement toujours autant d'actualité.



