Film culte par excellence, gigantesque déflagration pour toute une génération et une industrie définitivement déstabilisée, Easy Rider reste une œuvre intensément fascinante, capture franche et rock du crash définitif d'une ère rêvée, entre bitume et volutes de fumée.
Né de l'esprit d'un Peter Fonda un peu lassé de jouer les anges blonds dans de très populaires films de bikers et de l'envie de son copain Dennis Hopper de passer enfin à la réalisation, Easy Rider se voulait comme un western moderne, de ceux où la Harley a définitivement remplacé le canasson, entraînant deux renégats sur les routes d'une Amérique toujours aussi poussiéreuse, perdue et dangereuse, s'apprêtant à livrer de la drogue au Mexique pour s'offrir une liberté lointaine. Produit avec quelques billets récoltés à droite à gauche après le refus de la American International Picture et un Roger Corman peu convaincu, le tournage se fera dans un bordel plutôt fidèle à la légende entre engueulades, crise de paranoïa de Hopper, drogues échangées voir consommées à l'écran et montage ardu effectué loin d'un réalisateur incapable de couper dans ses longue heures de rushes. Ramené à quelques 90 minutes, le film va rapidement devenir un énorme succès, remboursé son budget en une semaine à peine et devenir l'un des films les plus renatble de l'histoire. Un OVNI connu hors des studios qui va achever de renverser les vapeurs d'un Hollywood déjà malmené par une nouvelle génération de cinéastes et ouvrir la porte béante au fameux Nouvel Hollywood.
Un nouvel âge, une renaissance, une révolution même pour une expérience qui cependant ne vient en rien célébrer les valeurs d'une génération pleine de soleil et de chansons dans la tête. Le détour de Wyatt, alias Captain America, et Billy du coté d'une communauté hippie est bel et bien là pour montrer le scepticisme de Dennis Hopper face à ce doux rêve d'harmonie et de partage, alors à son apogée, où déjà méfiances, sens de la propriété et rejets de l'autre ont fait leur chemin. Easy Rider n'est pas non plus un grand élan nostalgique rêvant d'un âge d'or perdu et d'un rêve américain qui aurait été tangible. Sans cruauté mais avec fatalisme, le film de Dennis Hopper règle ses comptes avec un décors qui n'a effectivement plus de vernis pour en dissimuler la violence, la haine, la bêtise et la crasse. Anges déchus sur le point de tomber, un temps accompagné par un Jack Nicholson hallucinant en apprentis avocat porté sur la bouteille, les deux protagonistes sont régulièrement témoins de la peur qui habitent les regards, de la défiance envers une jeunesse indépendante, sans compter sur ses propensions historiques au racisme et à l'homophobie. La fumette et la moto n'ont ici alors que comme seul but l'évasion, l'expérience pour l'expérience, jusqu'au bout de l'horizon et une fin abrupte, injuste et terriblement pessimiste. Plus qu'un trip générationnel, Easy Rider est une quête intemporelle dont la justesse du croisement entre les expérimentations formelles (entre néoréalisme italien et nouvelle vague française) et la mise en place de plans irrémédiablement iconiques, restent définitivement incrustés dans la mémoire collective. A l'instar d'une bande originale en acier chromé réunissant Steppenwolf, The Jimi Hendrix Expérience, The Byrds...




