Première réalisation et premier giallo pour le producteur Luciano Ercoli qui avec Photos interdites d'une bourgeoise réussit à sauver sa société et à rencontrer sa futur épouse, Susan Scott, d'un même mouvement. Joli coup double.
Malgré quelques coproductions françaises comme Fantômas ou Furia à Bahia pour OSS117 et de gros succès locaux comme les Ringo de Duccio Tessari, la société du bonhomme était effectivement mal en point en cette fin des 60's et nécessitait quelques entrées rapides de financement et un nouveau titre peu cher pour se remettre à flots. Rien de mieux dans ce cas là que de se tourner vers le cinéma de genre et en l'occurrence le thriller à l'italienne, sémillant giallo par encore traumatisé par un Oiseau au plumage de cristal qui sortira la même année. D'ailleurs le film n'affiche pas de tueur masqué ou ganté, de séquences de meurtres opératiques et de quelconques effusions voyeuristes, l'essai se rapprochant beaucoup plus ouvertement de ces giallos de première génération, polar à complots dont la victime, souvent jeune et belle, est instrumentalisée et manipulée pour de sombres histoires d'argents, d'héritage et de pouvoir façon Perversion Story de Lucio Fulci. Rédigé essentiellement par le célèbre et productif Ernesto Gastaldi (Le Corps et le fouet, Texas, Si douces si perverses...), le script pourrait être extrêmement classique dans sa mise en place d'un whodunit bien sadique où chacun semble vouloir jouer des tours à celle que tout le monde prénomme "minou", si justement il ne reposait pas sur un meurtre dont on est jamais sur qu'il ait vraiment eu lieu.
Un Giallo sans meurtre, sans crime autre qu'un pervers jeu de maître chanteur qui oblige la charmante Dagmar Lassander (Une Hache pour la lune de miel) à se plier aux désirs de l'inquiétant Simon Andreu qui la force à coucher avec lui pour protéger son maris de preuves compromettantes contre lui, avant de la soumettre à nouveau la menaçant d'exposer à tous les photos de leurs ébats. A cette situation bien inconfortable s'ajoute bien entendu le fait que personne ne la croit, amie, époux ou police, lorsqu'elle tente de s'extirper de ce traquenard. Plutôt prenant ou suffisamment accrocheur en tout cas, Photos interdites d'une bourgeoise dépeint surtout une nouvelle fois, derrière ses atmosphères feutrées, une classe sociale confortable, aisée, incarnée dans des espaces en écran large, mais où tout semble constamment pourris par le culte du billet vert et par une instrumentalisation du corps féminin. A ce titre le film de Luciano Ercoli déjoue quelques pièges installant une héroïne certes névrosée et frustrée, mais constamment titillée par une meilleure amie, exubérante et sculpturale Susan Scott (alias Neve Navarro alors déjà vue dans Colorado), femme frontalement libérée, multipliant les partenaires et avouant sans problème sa fascination pour la pornographie. Libertine donc suspecte, et pourtant elle vole aisément la vedette à ses autres partenaires, semblant bien souvent la seule à être capable de jouir de la vie. On comprend que le réalisateur soit alors tombé sous le charme, épousant l'actrice et faisant d'elle la muse de ses deux giallos suivants : Nuits d'amour et d'épouvante et La Mort caresse à minuit.
Des essais peut-être un cran en dessous, plus ouvertement "exploitation" et ne profitant pas des compositions lounge et obsédantes d'Ennio Morricone. Car par ses mélodies tout en suggestion, sensuelles, le maestro souligne la justesse des cadres et des compositions, la beauté de la photographie signée Alejandro Ulloa (Le Mercenaire, Le Témoin à abattre), déjà aux commandes sur l'extatique Perversion Story justement, la chaleur des regards et des corps des deux actrices principales, distillant une atmosphère mystérieuse, sous tension mais aussi particulièrement suave et troublante qui fait tout le charme de ces photos interdites.




