Ancien assistant passé à la réalisation le temps de quelques DTV anonymes et fauchés typiques des 90's avant de disparaître totalement de la circulation, Charles Philip Moore a droit aujourd'hui à une séance de rattrapage avec la sortie en blu-ray de son premier long-métrage, Demon Wind, série B horrifique sous influences.
La carrière de Charles « Chuck » Philip Moore débute en 1987 sur le tournage d'Au-delà du cauchemar (Twisted Nightmare, au pays de l'Oncle Sam), une production indépendante menée par Paul Hunt et Sandy Horowit et pensée pour faire la tournée des campus et des drives in. D'électricien, Moore surprend par son enthousiasme et se retrouve aussitôt promu assistant réalisateur et ira jusqu'à réaliser une poignée de scènes lors de sessions de tournage additionnelles. Le jeune homme harcèle des producteurs qui se savent redevables et arrache au forceps la réalisation de Demon Wind, d'après un scénario dont il est lui-même l'auteur. Au croisement d'Evil Dead et des Demons de Lamberto Bava, le projet se révèle plutôt ambitieux mais doit composer avec un budget en peau de chagrin et un tournage ne pouvant dépasser une vingtaine de jours. Moore s'en tire pourtant avec les honneurs, incitant son équipe à se surpasser pour un résultat qui a de la gueule et s'avère plutôt rentable pour ses investisseurs. Il enchaîne avec des productions toujours aussi modestes et destinées à garnir les étagères des vidéo-clubs. De la castagne avec Don « The Dragon » Wilson dans Blackbelt (autre titre connu : Kickboxer Cop), du thriller carcéral avec Live By The Fist où vient cachetonner George « Sulu » Takei, du thriller sexy avec Angel Of Destruction, de la science-fiction avec New Crime City, Not Of This Earth ou Terminal Man. Moore réalise parfois, écrit tout le temps, à chaque fois au service de poulains de l'écurie Roger Corman dont un certain Fred Gallo. Et depuis 1999, plus rien, silence radio. Ou qu'il soit aujourd'hui, la paternité de Demon Wind lui revient entièrement et il peut en être fier.
Une bande de potes guidés par leurs hormones plus que par leur cervelle, une vieille bâtisse abandonnée à la campagne, des démons, des incantations, des possessions et une bonne dose de gore : Demon Wind ne secoue guère par l'originalité de son script, lequel se met à tourner à vide à mi-parcours et se révèle incapable de résoudre son déchaînement de forces maléfiques autrement que dans une certaine confusion héritée du bis transalpin. Heureusement, Charles Philip Moore a la bonne idée de nourrir son bébé de références multiples et parfaitement digérées. Le score électronique de Bruce Wallenstein, un brouillard maléfique et le siège mené par les démons sur la petite ferme font écho aux films de John Carpenter, une petite fille rousse maléfique et muette ainsi qu'un véritable amour des plaies purulentes renvoient à la poésie morbide de Lucio Fulci, l'onirisme ou le surréalisme de plusieurs scènes font autant penser à Wes Craven qu'à David Lynch et on retrouve même une touche de Lovecraft dans cette histoire de fermiers maudits par une divinité impie qui les a transformé en monstres difformes. Putride, malsaine, bizarre, pessimiste, l'atmosphère dans laquelle Demon Wind baigne est sans conteste son point fort. Et en dépit des contraintes et des effets spéciaux qui le limitent dans ses mouvements, Charles Philip Moore signe une mise en image solide et énergique. Cerise sur le gâteau, il ne se prive pas non plus de petites excentricités, comme cette petite culotte exhibée dans un dîner crasseux ou ce pote magicien qui pratique aussi le karaté et dézingue du possédé au fusil à pompe comme dans du James Cameron.
De quoi faire oublier une interprétation globalement calamiteuse, à peine dans la moyenne. Une anecdote pour conclure : venu rendre visite à sa femme, maquilleuse sur le tournage, Lou Diamond Philips fut enrôlé plus ou moins discrètement par la production et recouvert de latex pour interpréter un démon parmi tant d'autres. Un caméo bénévole et facilement repérable, la star de La Bamba étant le seul à imprimer une gestuelle crédible au milieu de figurants que n'aurait pas renié un Ed Wood cherchant à boucler en vitesse un énième nanar.





