Premier long métrage de Jonathan Cuartas, épaulé par le frangin Michael à la, superbe, photographie, My Heart Can't Beat Unless You Tell It To est un drame fantastique qui revisite la figure, éculée, du vampire des familles. Et ici les premières victimes sont son entourage le plus proche.
Après quelques années passées à faire ses preuves du côté du court métrage et à remporter quelques prix avec des essais comme Kuru ou The Horse and the Stag, les frères Cuartas sont finalement passés à la réalisation d'un long. Un projet plutôt intime et économe, tourné en seulement vingt petits jours et qui fut un temps prévu pour une sortie en 2020 et finalement repoussé, comme beaucoup d'autres pour cause de confinements et de salles fermées à cause du COVID. Un film de genre parmi d'autre ? Pas tout à fait car à l'instar justement de leurs premiers essais, My Heart Can't Beat Unless You Tell It To s'inscrit dans un décor des plus naturalistes, vision d'une Amérique du repli, des espaces restreints, de l'enfermement et d'une certaine pauvreté, raffermie à l'écran à la fois par une lumière avalée par des noirs imposants et un cadre 1.33 parfaitement claustrophobique. Un monde cru, désolé, solitaire surtout où tente de persister une famille composée d'une grande sœur, d'un grand frère et d'un adolescent totalement dépendant, atteint de vampirisme, dont la responsabilité prend toute la place dans la vie des deux plus grands. L'alibi fantastique, donnant au jeune Owen Campbell (Super Dark Times) des airs de Nosferatu mélancolique, évoque le plus souvent une métaphore du poids et des contraintes que peuvent devenir des proches atteints d'une maladie lourde et un peu honteuse. Le poids des responsabilités, le devoir familial, l'amour malgré tout, mais qui éloigne définitivement le trio du reste du monde.
Voici donc même les deux adultes forcés d'errer la nuit dans des quartiers vides et des ruelles désertiques, à la recherche d'âmes toutes aussi en marge qu'eux, pour nourrir le troisième. Avec bien entendu ce petite quelque chose du chef d'œuvre Martin de George A. Romero, le surnaturel est ici normalisé à l'extrême, ingrédient d'un quotidien désespéré dont l'équilibre précaire va forcément se déliter, chacun rêvant de son coté à une liberté retrouvée. Autrefois jeune premier plus que mémorable dans le Presque célèbre de Cameron Crowe, Patrick Fugit incarne ici celui qui justement est encore le plus proche de la normalité et donc celui qui subit le plus violement la situation, manquant de basculer définitivement lorsque la prostituée avec laquelle il s'imaginait s'enfuir et reconstruire sa vie devient le casse-croute du jour. Le karaoké sur la chanson « I Am Controlled By Your Love » dans lequel il tente de se perdre juste après, au bord de la crise de nerf, de la folie, et du désespoir le plus douloureux, reste certainement le pic émotionnel du film. Délicatement mis en image et composé, porté par une réalisation et un montage volontairement lent et lancinant, My Heart Can't Beat Unless You Tell It To reste tout de même un peu attendu au-delà de son postulat de base, et ne fait évoluer les personnages que dans une direction assez prévisible jusqu'à son final entre plénitude et mélancolie éprouvée. Les faiblesses d'une première œuvre certes, dont les battements de cœurs restent particulièrement prometteurs pour la suite.



