Le milieu des années 50 a vu le statut du western s'ouvrir et se remettre en question. Le bon indien n'était plus forcément celui qui était mort. Des metteurs en scène comme John Ford et Howard Hawks ont déjà commencé ce travail de réhabilitation en grande pompe avec le Massacre de Fort-Apache et La Captive aux yeux clairs. Plus discret, George Sherman met également sa modeste contribution à la cause.
George Sherman est rarement cité dans les dictionnaires de cinéma. Ce n'est pas un illustre réalisateur comme ceux précités mais un modeste artisan sous contrat (comme beaucoup à l'époque) enchaînant les séries B avec plus ou moins de réussite. Spécialisé dans les westerns, il contribue sans forcément le savoir à l'émancipation de la cause indienne avec des films comme Sur le territoire des Comanches, Tomahawk, Au mépris des lois ou Le Grand Chef. Même si les faits relatés ici ne sont en rien historiques, A l'assaut du Fort Clark rejoint cette mouvance. Va-t-il pour autant accéder au Panthéon des films de genre, rien n'est moins sûr tant celui-ci s'embourbe dans des tunnels d'indigence et de platitude.
On a beau prendre en considération le fait qu'il s'agisse d'un film de commande avec des moyens étriqués, dur de se sentir happé par ce récit opposant les tribus Séminoles et Kiowas en lutte pour la survie du Fort Clark. Le scénario fait souvent penser au scénario de Lucky Luke et le 20e de cavalerie l'humour en moins. L'acteur Jeff Chandler qui s'est illustré dans le rôle de Cochise dans La Fleche brisée de Delmer Daves prendrait la défroque du héros de Morris ; quant à celui de Jolly Jumper, personne dans le casting ne semble avoir assez de charisme pour pouvoir endosser son rôle. La pauvre Maureen O'Hara qui venait de s'illustrer dans l'Homme tranquille de John Ford ne semble toujours pas comprendre pourquoi elle est là. L'idylle entre les deux protagonistes ne prend pas et l'alchimie pointe aux abonnés absents. Il faut dire que Jeff Chandler n'a pas le charisme de John Wayne. Seule l'actrice Suzan Ball arrive à tirer son épingle du jeu dans le rôle d'une indienne intégrée dans la vie du fort. Ce sentiment de rendez-vous manqué s'accentue par des décors trop voyants et de nombreux plans sortis d'autres productions maison. Eventuellement, seule l'attaque du fort est à sauver pour les moins regardant.
Heureusement pour l'équipe du film, ce coup manqué ne leur portera pas préjudice et chacun saura rebondir. Sherman continuera à œuvrer dans le milieu et Maureen O'Hara à tourner dans de nombreuses productions hollywoodiennes. Jeff Chandler, de son côté, enchaînera les westerns avec fidélité et achèvera brillamment sa carrière chez Samuel Fuller dans les Maraudeurs attaquent. Affaibli par la maladie, il terminera coûte que coûte ce tournage malgré sa santé défaillante. Cet acteur discret aura su séduire le gratin d'Hollywood qui se mobilisera pour lui dans ses moments difficiles. Lucky Luke a pu finir sa chevauchée avec honneur.


