Pas forcément la plus réputée des adaptations de Stephen King au cinéma, La Peau sur les os fait pourtant partie des plus soignées et des plus appliquées... La présence à la réalisation de l'auteur de Jeu d'enfant et de Vampire vous avez dit vampire ? n'y est sans doute pas pour rien.
Au départ signé sous le désormais célèbre pseudo Richard Bachman, La Peau sur les os venait exorciser sous la couverture d'un certain anonymat les troubles de santé (alcool, cigarettes et suralimentation...) rencontrés par le romancier Stephen King au début des années 80. Mais une fois le secret de polichinelle éventé, le bouquin voit ses ventes exploser et les habituels producteurs américains se jeter sur les droits pour une hypothétique adaptation sur grand écran... qui malgré l'intérêt de l'auteur en personne mettra finalement presque dix ans à voir le jour. Et en cette second partie des années 90, l'œuvre de Stephen King connait surtout des échos à la télévisons avec des mini-séries de luxe comme Les Tommynockers, Le Fléau et Les Langoliers. Et c'est sur ce dernier que Tom Holland, excellent scénariste de Psychose II et réalisateur des petites classiques que sont Vampire vous avez dit vampire ? et Jeu d'enfant (Chucky), a fait ses premières armes sur un roman du King, même s'il n'a en l'occurrence pas vraiment apprécié les limites imposées par la télévision. La Peau sur les os sonne alors pour lui comme un retour au grand écran, à sa plus grande liberté créatrice et à des moyens beaucoup plus convaincants. D'ailleurs le premier scénario rédigé par l'excellent Michael McDowell (Beetlejuice, L'étrange noël de monsieur Jack, mais aussi auteur de la saga littéraire Blackwater), recentré par Tom Holland capturait puissamment l'œuvre originale jusque dans ses effets les plus dérangeants et son atmosphère parfois glauque et emprunte d'un certain fatalisme.
Pas de chance, des cartons de Di Laurentiis à ceux de Spelling Entertainement Group (oui les mêmes que pour Beverlly Hills 90210) le métrage va rapidement perdre de la voilure où la réduction du temps de tournage et du budget va amener le réalisateur et les responsables des effets spéciaux dirigés par Greg Cannom (L'Etrange histoire de Benjamin Button, Dracula...) à se recentrer sur l'essentiel, tout en devant faire face à une volonté immédiate d'adoucir la fin du récit, terriblement cruel et fatidique chez King. De quoi en effet amoindrir la portée du chemin de croix de Billy Halleck, avocat obèse, opportuniste, sans grande morale, qui n'hésite pas avec ses amis juge et sheriff à maquiller la mort accidentelle d'une vieille gitane qu'il a provoqué car profitant trop pleinement de la fellation que lui octroyait son épouse. Pas un monstre, mais un beau salaud comme tous les petits notables américains qui s'estiment au-dessus des lois, des autres, et sans doute encore plus de cette population itinérante à mauvaise réputation. Une certaine vision de la bonne société américaine, mais aussi une évocation du désordre et du désarroi que provoque l'apparition d'une maladie morbide, puisque l'avocat, maudit par le chef des gitans, se voit maigrir de jours en jours quelle que soit la quantité de nourriture qu'il ingurgite. Au-delà de l'alibi surnaturel, finalement presque toujours secondaire, La Peau sur les os analyse avec pertinence l'éloignement progressif de l'épouse (et son rapprochement avec le médecin de famille), les peurs et le mal être de leur fille et la confrontation du protagoniste à sa disparition programmée.
Réalisateur efficace et maitrisant parfaitement le fantastique, Tom Holland s'en sort avec les honneurs et sait mettre parfaitement en valeur des effets spéciaux certes trop sages dans leurs représentations du déclin physique, mais toujours crédibles et assez spectaculaires. Le Peau sur les os ne peut plus alors vraiment prétendre au statut de film d'horreur, mais reste une fable sombre et acide, et étonnement réaliste.



