Prenez un réalisateur/scénariste/producteur très énervé (Oliver Stone), ajoutez-y la vie rocambolesque d'un gamin du Kentucky devenu l'un des pires ennemis de la bien-pensance américaine, mettez tout ça dans les mains d'un réalisateur d'origine tchèque attiré par les personnalités égocentriques (voire borderline) et vous obtenez Larry Flynt, un biopic qui fit son petit effet lors de sa sortie et qui, société actuelle aidant, se revoie non seulement avec plaisir mais aussi sous un angle sacrément pertinent.
A l'origine du projet, Oliver Stone donc, ici en tant que producteur, qui souhaite sortir un film sur le magnat de la presse qui donna du fil à retordre à la justice américaine vingt ans plus tôt. Un personnage « stonien » en diable, venant d'une famille très pauvre, qui réussit à bâtir un empire à la seule force de sa volonté et de quelques idées graveleuses. Son magazine, Hustler, se veut à sa sortie l'anti-Playboy, et sert à ses lecteurs du trash et du cul. Même dans ses articles plus sérieux et ouverts à débat, le canard ose tout et s'attaque aux figures les plus emblématiques, donc intouchables, d'une société américaine prude et dévote. Forcément, ça marche et Flynt ne tarde pas à se retrouver, après une parodie de procès, derrière les barreaux. Un bras de fer s'engage alors entre lui et la loi, la défenses principale de ses avocats étant d'invoquer la liberté d'expression. Le combat dure des années et Flynt est même pris pour cible et finit paraplégique. Une histoire incroyable qui n'avait presque pas besoin de scénario, finalement, et que Milos Forman va transformer en biopic réussi.
D'abord grâce à la présence de Woody Harrelson, qui trouve en incarnant Flynt un des plus beaux rôles de sa carrière. A ses côtés, la chanteuse Courtney Love (dans le rôle de la femme de Flynt, Althea) donne un crédit sulfureux au rôle et fait merveille. Côté scénario, on retrouve le duo Scott Alexander/Larry Karaszewski, spécialistes du biopic, qui signaient le Ed Wood de Tim Burton quelques années auparavant et continueront leur collaboration avec Forman avec l'excellent Man on the Moon. Un scénario pourtant un chouia didactique, qui se contente d'une narration chronologique sans fioriture mais aussi sans esbroufe. Le but étant de présenter un maximum d'information avant d'en arriver au vif du sujet : la liberté d'expression. Car au-delà des histoires de cul (et de nichons) c'est précisément là où veut en venir le film. Peu importe que Flynt soit ou non un pornographe. La question est : la société lui donne-t-elle les moyens de s'exprimer ? Et c'est sur ce point que le film en retire donc ses meilleurs scènes, faites de procès qui n'ont rien à envier aux meilleurs « procedurals ». Dans le rôle du jeune avocat chargé de la défense de Flynt, Edward Norton est parfait et ses réponses face au juge (joué par Flynt lui-même) ou même la Cour Suprême, sont brandis comme de véritables étendards. Toute la force du film est donc là, comme le fut la scène du procès dans JFK. Sous couvert du procès d'un homme ou de la recherche des véritables responsables d'un assassinat, c'est toute le système américain, en creux, qui est questionné.
Bien que sorti il y a plus de vingt ans, Larry Flynt questionne donc encore aujourd'hui, comme le faisait il y a peu le Pentagon Papers de Spielberg, la liberté de la presse, ni plus, ni moins, dans une société américaine qui tient toujours tout contre elle, vaille que vaille, depuis plus 200 ans, sa bible et son fusil.



