Réunissant quinze ans après Le Jour se lève le couple mythique Jean Gabin / Arletty, Marcel Carné fait à nouveau revivre le Paris d'autrefois, populaire, sombre parfois mais toujours emprunt d'un bel espoir... une lueur qui passe ici par la présence de Roland Lesaffre, jeune espoir de l'époque et ancien champion de boxe.
Si le film de boxe est aujourd'hui un genre en soit, et relativement populaire qui plus est, il ne fait pas forcément l'unanimité dans la France de l'après-guerre et les producteurs ne se battent pas pour donner le feu vert à Marcel Carné (Les Enfants du Paradis, Quai des brumes...) et ce malgré l'excellent accueil réservé à son précédent Thérèse Raquin. Peu importe, le cinéaste croit farouchement en sa nouvelle passion et entraine aisément avec lui son amis et collaborateur régulier Jean Gabin... et ce même si la star française va peu à peu se rendre compte que les dernières modifications du scénario ont tendance à l'éclipser derrière l'autre passion de Carné : Roland Lesaffre. Un jeune homme plutôt charmant, bien charpenté, mais surtout nouveau compagnon du réalisateur, qui devient rapidement le personnage principal du film, à qui on lui ajoint même une romance avec une charmante bourgeoise en quête d'encanaillement. Quelques tensions seront à priori perceptibles sur le tournage (Lesaffre se ventant de son apparition dans La Main au collet, Gabin affirmant son expérience...), mais cet état de fait transforme surtout d'étrange manière cette relation amicale et virile entre l'entraineur convaincu de tenir enfin le poulain tant attendu, et le môme des quartiers, un peu paumé et naïf, qui va reprendre sa vie en main grâce au sport.
Quelque chose que l'on retrouve dans de nombreux films de boxe, jusqu'au récent Creed, mais qui se teinte inévitablement d'atours de bromance un peu savonneuse, en particulier lorsque la caméra s'attarde sur le beau gosse prenant sa douche après un dur entrainement, où reléguant les dames à la poule inconstante pour la plus jeune (Marie Daems très oubliable), où à une épouse aigrie et un brin jalouse pour l'autre (Arletty toujours aussi imparable). Des briseuses de rêve en somme qui restent en périphérie de ce monde d'hommes (tu m'étonnes...) et d'un petit drame en notes mineurs au scénario pas forcément exceptionnel mais toujours habilement dialogué et à la plastique noir et blanc admirablement construite et photographiée. Les séquences de match sont parfaitement rendues par des constructions scéniques écrasantes et fermées, par un montage et des cadrages plutôt tendus pour l'époque, mais L'Air de Paris n'est au final jamais aussi savoureux que lorsqu'il raconte le plus naturellement possible ce Paris un peu oublié, aujourd'hui bien lointain, des quartiers populaires et des masses ouvrières qui enfilaient les gangs afin d'oublier les dures journées de labeur. Rien d'étonnant à ce que le film s'ouvre par une ballade nonchalante, et déjà nostalgique, dans les rues de la ville en compagnie de la voix d'Yves Montant et son « air de Paris ».



